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Marché

Doubler sa mise en cinq ans …

Lorsque Le Marché au Minho a été adjugé 4,1 millions par Calmels-Chambre-Cohen en 2002, battant tous les records de vente de Sonia Delaunay, et établissant la plus haute enchère française de l’année pour un tableau moderne, ce n’était que la démonstration spectaculaire d’un mouvement de hausse amorcé depuis plusieurs années pour ce type de peinture.

Une récente étude d’artprice analyse dix micro-marchés dont les indices ont au moins doublé depuis cinq ans. En tête, l’orphisme précisément, dont l’indice des prix a quintuplé...
Il s’agit de marchés de niche, qui n’ont représenté que 1 % des lots vendus et 6,7 % du chiffre d’affaires de la peinture dans le monde. Davantage centrés sur l’art moderne et contemporain, mais allant jusqu’au xve siècle, et couvrant de quelques dizaines à un peu plus d’un millier de transactions sur la période observée. Des marchés d’opportunité, correspondant à des goûts picturaux précis.

Des marchés pointus
L’orphisme - sept artistes retenus, dont les Delaunay, Franz Marc et August Macke - avec 99 transactions pour 52 millions de chiffre d’affaires, est à l’indice 500 par rapport à 1997. Suivi par le rayonnisme - Larionov, Goncharova et les Burljuk - le double de lots pour 3,2 millions seulement, à l’indice 412. L’Ecole allemande XV-XVIe - 25 artistes dont Dûrer, les Cranach et les Holbein - et 52 œuvres pour 17,8 millions , a triplé son indice, et l’autre mini-marché, le suprématisme, 3 artistes derrière Malevitch, avec 59 lots et un volume d’affaires voisin, est à l’indice 212. Les marchés plus ouverts, l’impressionnisme américain et la Hudson River School, une cinquantaine d’artistes chacun, Sargent, Prendergast, Sonntag ou Huntington, pour 1500 transactions environ sont à l’indice 221 et 280 respectivement. Le pop art américain, de Jim Dine à Warhol, 12 artistes pour le plus fort chiffre d’affaires de 334,4 millions, atteint l’indice 245. Notre Figuration libre -7 artistes autour de Combas et Di Rosa, dont 693 tableaux ont été vendus pour le plus petit volume d’affaires, 3,1millions - a elle aussi doublé son indice à 204.

Les raisons profondes
Ces évolutions ne sont pas le fruit du hasard et ont plusieurs niveaux de justification. En premier lieu la règle de la substitution, qui s’applique dans tous les domaines, lorsqu’un mouvement disparaît pratiquement du marché. L’art déco, est introuvable, on passe aux années 40 ou 50. Gauguin est inabordable, vive l’école de Pont-Aven. Le cubisme se fait rare, on pense aux autres avant-gardes. Seule exception notable à la hausse générale, le futurisme italien, privé d’une demande internationale par la loi qui interdit l’exportation d’Italie des œuvres de plus de 50 ans.
Autre élément : les marchés nationaux. Ils jouent un rôle déterminant dans l’appréciation des mouvements qui en sont issus. La puissance économique fait le reste. Les Etats-Unis, à eux seuls, représentent 66% du nombre des transactions et 82% du chiffre global de nos dix mouvements, alors que leur part dans le marché mondial du fine art était de 11,7% et 43,4% respectivement l’an dernier. Cinq mouvements sur les dix sont américains et les records enregistrés dans chaque cas corroborent les indices.
Conclusion ? Le propos de cette chronique n’est pas de vous amener à spéculer, mais de vous permettre de prévoir les conséquences financières de vos choix . Si ces mouvements vous intéressent - et certaines œuvres sont encore abordables - suivez vos inclinations. Mais en tout état de cause, l’analyse des raisons de leurs évolutions, à base d’observation et de règles de bon sens, est valable pour bien d’autres domaines. Sur ce marché, il faut avant tout suivre les ventes, se faire le goût et l’œil, bref voir beaucoup d’art… Qui s’en plaindrait ?


 Jacques Dodeman
30.06.2003