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Patrimoine

Sur la route de l'argent

La célèbre Vía de la Plata, qui traverse l’Espagne, de l’Aragon jusqu’en Andalousie, est un véritable musée d’archéologie romaine en plein air.


Mosaïque romaine dans la
«Villa des Oiseaux» à Italica
© D. R.
C’est sous la N630, la nationale qui parcourt l’Espagne du nord au sud, que se trouvent les pavés de la « Vía de la Plata », l’une des plus anciennes voies de communication de la péninsule ibérique. Depuis au moins le VIIIe siècle av. J.-C., les différentes cultures installées en Andalousie l’ont empruntée pour étendre leur pouvoir jusqu’aux côtes de Cantabrie ou véhiculer les richesses minières dont le pays regorgeait. Après Christophe Colomb, de nombreux aventuriers venus de l’intérieur des terres l’ont fréquentée en sens inverse pour rejoindre Séville et embarquer vers les Amériques.

Trajan et Hadrien, enfants du pays
Déjà, à la fin de l’âge du bronze (VIIIe - VIe siècle av. J.-C.), les mythiques Tartessiens, dont le royaume était situé autour de l’actuelle Huelva utilisaient ce chemin pour leur relations commerciales avec les îles britanniques et les zones minières de Galice et Léon. Le nom de la « Vía de la Plata », traduit par « Route de l’argent » ferait-il allusion aux métaux qui s’y échangeaient ? « Nous connaissons très mal l’origine du mot » répond Pierre Rouillard, directeur de recherche au CNRS et directeur de la Maison René-Ginouvès. « La Vía de la Plata était certainement une voie commerciale très importante. Mais son nom proviendrait plutôt de l’arabe « balata » qui signifie voie pavée, car les Musulmans aussi, à partir de leur entrée en Espagne, en 711, utilisèrent cette route. »
Cependant, c’est sous la domination romaine (à partir du IIe siècle av. J.-C.) que la « Vía de la Plata » reçut ses premières dalles, ses ponts et aqueducs (notamment à Mérida, Alcántara et Salamanca). Les différents empereurs, dont Auguste, Tibère et les « espagnols » Trajan et Hadrien, profiteront de cette route idéale pour asseoir le pouvoir de Rome dans la péninsule. En commençant par le sud, ils bâtissent des ponts et aqueducs, érigent des bornes milliaires, hautes de deux mètres (à voir au musée de Séville), construisent des villes, des remparts, des temples, des thermes, des théâtres… jusqu’à la ville de Gijón, sur la façade atlantique.

Oiseaux de pierre
Au nord de Séville, à Santiponce, Itálica est une ville romaine découverte au XIXe siècle. En parcourant la « Nova Urbs », la ville nouvelle occupée du IIe au IVe siècles, on découvre la structure de cet ensemble urbain dont il ne reste malheureusement que quelques murets reconstitués. On pénètre ensuite dans les maisons de l’Exèdre, de Neptune, du Planétarium ou des Oiseaux, cette dernière ainsi baptisée en raison de son superbe parterre de mosaïques en couleur. Avec une capacité de vingt cinq mille spectateurs, l’amphithéâtre était l’un des plus grands de l’Empire. Récemment, en 1978, un sanctuaire romain a été découvert en Estrémadure, région au nord-ouest de l’Andalousie, à 50 kilomètres de Mérida, qui possède l’un des plus impressionnants ensembles romains d’Espagne. « L’importance de cet axe est telle que tous les sites découverts sur la Vía de la Plata méritent d’être étudiés dans leur extension car c’est bien la seule manière de comprendre comment s’organisait la vie autrefois. Il reste encore énormément de découvertes à faire. » conclut Pierre Rouillard.


 Anouchka Roggeman
12.07.2003