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Biennale d'Issy les Moulineaux : entre ville et nature

Cité, Nature, les interdits : c'est l’équation proposée aux 40 artistes, designers et architectes sélectionnés pour la 3e biennale d’Issy, jusqu'au 14 octobre.

Pour Françoise Niay, Présidente de la Biennale 2001, la nature, dont les cités modernes semblent parfois si dépourvues, reste toujours un modèle inégalé : les avions seront toujours plus laborieux que les oiseaux, les tissus moins solides et élastiques que la peau, les ordinateurs, des brutes moins sensibles que la pensée. Il s’agit donc de se demander comment l’architecte, le designer, intègre l’environnement naturel dans son travail alors qu’il doit faire face en permanence à l’interdit. L’interdit, pour celui qui pense la cité, c’est la contrainte, imposée par le programme, la géographie des sites, l’argent, les situations politiques et culturelles, le conformisme ambiant. L’idée sous-tendue ici par les œuvres choisies reste en quelque sorte l’exhortation à la transgression de l’interdit comme moteur de création et d’invention. On pense plus précisément aux artistes de l’art actuel qui ont su s’affranchir des limites de leur époque tels Duchamp, l’Italien Manzoni et récemment à Pierrick Sorin mais aussi à Etienne-Louis Boullée, architecte de la fin du 18e siècle à qui l'on doit l’hôtel Beaujon, qui deviendra ensuite l’hôtel de ville d’Issy et dont une vidéo relate une oeuvre en avance sur son temps.

L’exposition est complétée par plusieurs pièces contemporaines prestigieuses du collectionneur local Jean Hamon dont une très belle compression de César et une valise avec ses carreaux blancs de Jean-Pierre Raynaud mais on retiendra particulièrement, parmi cet étalage pluriel, des découvertes d’artistes à la culture métissée, celle qui donne des ailes. Jeon Kan-ok, artiste coréen, vivant à Rennes, par exemple, construit des constellations fragiles en maintenant en équilibre dans l’espace de fins nuages de petits cailloux. Il défie avec poésie les lois de la pesanteur « Ma pratique cherche toujours la sensibilite dans l’instant-limite entre le mouvement interne et le mouvement externe par la fragilité d’équilibre. Je pratique la sculpture, à partir du moment où je considère que le poids est une condition incontournable, irréductible. Parce que la sculpture est une utilisation de la masse, pesante et inerte, elle est donc soumise, comme tout corps, à la loi de la gravité. »

Dans le même registre de fragilité, le sculpteur Oscar Lloveras scrute la mer d’Irlande au travers d’un frêle maillage d’ardoises minuscules reliées de fil de fer. Travaillant 6 mois par ans au Japon, il élabore avec les matières du dehors un dialogue entre les espaces intérieurs et la nature. La nature, Catherine Margolèse la photographie et nous la restitue encadrée avec des matériaux de substitution comme des portes de 2CV Citroën. Ainsi le montre l’affiche de la biennale. Les designers sont aussi présents avec des canapés dont le magnifique Farfalle, swinging sofa, assise ondulé de Philippe Lane qui fait penser à la série des fleurs d’Andy Warhol et la production du plasticien voltaïque Cherif Drah’man, réalisée à base de matériaux de récupération : chaise à partir de tôles de fûts à pétrole, tapis en pneus travaillés, poncés et recousus. « Convaincu que le fonctionnel doit primer sur le reste en design, je m’emploie à apporter ma modeste contribution pour réhabiliter cette pensée qui animait la plupart des designers des années 30 ». Il y a aussi Horacio Cassinelli, Uruguayen travaillant à Paris, avec son grand miroir urbain, se nourrissant par perfusion au Coca Cola. Et puis cette multitude d’autres travaux : photos, maquettes, toiles, … qu’il faut aller humer. Flirtant chacun à leur manière avec l’interdit.


 Pierre-Antoine Baubion
09.10.2001