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Expositions

Josef Breitenbach, Dr. Riegler & J. Greno, Munich, 1933
©  musée Nicéphore Niépce


Breitenbach sort de l’ombre

Le musée Nicéphore Niépce de Châlon-sur-Saône rend hommage au photographe Josef Breitenbach. Larisa Dryansky nous donne plus d’éléments

Quelle a été la place de Breitenbach dans l’histoire de la photographie ?
Larisa Dryansky.
Josef Breitenberg doit sa renommée à ses expériences techniques et à ses procédés pigmentaires. Véritable alchimiste du tirage, l’artiste développait lui-même ses travaux. Nous sommes dans les années 1930-1940, Breitenbach participe à lui rendre une reconnaissance méritée et une place parmi les arts. Malgré tout, son goût pour les coloristes du 18e siècle se retrouve dans ses essais de pigmentations. Son œuvre nous offre un regard original sur la photographie de cette époque dont la perception est souvent limitée aux tenants de l’avant-garde comme Brassaï.

Quelles ont été ses fréquentations durant ces années d’effervescence artistique, entre l’abstraction et le surréalisme?
Larisa Dryansky.
Fuyant l’Allemagne nazie en 1933, Breitenbach rejoint la France puis les États-Unis en 1942. A Munich, en tant que portraitiste attitré du théâtre Münchner Kammerspiel, il voit passer devant son objectif des célébrités aux noms de Bertold Brecht, Aristide Maillol ou Karl Valentin. A Paris, il participe aux expositions de La Pléiade aux côtés de Brassaï, Man Ray et Germaine Krull. Il fréquente Wassilly Kandinsky, James Joyce et surtout Marx Ersnt qui lui ouvre une fenêtre sur le surréalisme. Sans adhérer au mouvement, Breitenbach sait se réapproprier certaines techniques comme le collage, dans le portrait de la comédienne Edith Schultze-Westrum, le photogramme, la surimpression ou la solarisation, dans ce portrait, Patricia, de 1942.

En quoi ces thèmes sont-ils novateurs ?
Larisa Dryansky.
Alors que la notion de modernité est plus que jamais rattachée à l’abstraction, Breitenbach continue à traiter le corps dans toute sa matérialité. Dans la série du Dr. Riegler et J. Greno, le photographe se joue de l’objectif et introduit des personnages nus, essentiellement des femmes, dans des scènes d’un grand sérieux. Le thème du nu revient ensuite de manière récurrente dans son œuvre jusqu’à atteindre le stade de l’obsession comme en témoigne les clichés de la série This beautiful landscape. Ses photographies prises dans des camps de nudistes sont restées dans l’ombre de sa chambre noire, tout comme ses vues de sexes féminins. Bien loin de la notion de voyeurisme ou de pédophilie, Breitenbach traite ses sujets dans l’esprit du romantisme allemand associant nudité des corps et amour de la nature. L’origine du monde de Gustave Courbet n’est pas si loin. Artiste inclassable, ce photographe trop longtemps oublié, a construit sa propre vision de la modernité en se basant sur des thèmes jugés désuets par l’avant-garde.


 Stéphanie Magalhaes
20.10.2001