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Duccio, toutes les couleurs de Sienne

On lui a dédié le palio de cette année et un nouveau timbre. L'exposition qui s'ouvre en Toscane va-t-elle donner à Duccio l'audience qu'il mérite ?


Duccio, détail de la Maestà,
Museo dell'Opera del Duomo,
Sienne
SIENNE. Dans les dictionnaires spécialisés, il est coincé entre Dubuffet et Duchamp. Mais le peintre siennois Duccio di Buoninsegna (1255-1319) est loin de bénéficier de la même notoriété que ses voisins. Ses œuvres sont rares. «Et fragiles, précise Luciano Bellosi, l'un des commissaires de l'exposition en compagnie, notamment, de Michel Laclotte, l'ancien président-directeur du Louvre. Les réflectographies qui nous ont été montrées à Londres, où nous souhaitions effectuer des emprunts, confirment que le bois de ses panneaux est très «compliqué», plein de nœuds.» Les organisateurs ont donc dû faire une croix sur certaines œuvres significatives, comme les fragments de la prédelle de sa célèbre Maestà, éparpillés entre Londres, Washington, New York, Fort Worth et Madrid. «Qui possède un Duccio le garde précieusement ! poursuit Luciano Bellosi. L'exposition, la première depuis celle de 1912, qui s'était également tenue à Sienne, permettra cependant de découvrir des pièces très peu vues comme ce délicieux triptyque qui appartient à la reine d'Angleterre, comportant une Crucifixion, la Vie de Marie et les Stigmates de saint François, ainsi que la Maestà de Berne ou cette Croix peinte, qui faisait autrefois partie de la collection Odescalchi.»


Duccio, vitrail circulaire de la
cathédrale, Sienne.
Une inoubliable Maestà
Duccio, cet inconnu célèbre, a pourtant une place importante dans l'histoire de la peinture. Elle lui a été très vite reconnue et Vasari, au XVIe siècle, en faisait l'un des fondateurs de la peinture moderne, c'est-à-dire de la peinture de la Renaissance. S'il n'est pas un révolutionnaire comme Giotto, Duccio prend déjà ses distances avec la tradition byzantine, qui plaquait des personnages hiératiques sur fond or. Où plutôt il la combine, dans un style nouveau, avec le goût gothique de la narration et les enseignements du Florentin Cimabue sur la perspective et la figure humaine. Son chef-d'œuvre est la Maestà, conservée au Musée de l'Opera del Duomo, que d'aucuns considèrent comme la plus importante peinture italienne sur bois. Commandée en 1308, installée de façon solennelle dans la cathédrale en 1311, elle compte des dizaines de scènes qui narrent la vie et la Passion du Christ.

Au-delà de Sienne
La Maestà n'a évidemment pas été déplacée vers le cœur de l'exposition, l'ancien hôpital pour pèlerins Santa Maria della Scala. C'est là, autour du grand vitrail de 6 mètres de diamètre, qui lui a été attribué en 1948 par Enzo Carli, que ses autres œuvres et celles de ses disciples ont été rassemblées. A la vérité, le parcours va plus loin. «Le coût de l'exposition, dont l'unique sponsor est la banque Monte dei Paschi di Siena, est d'environ 1,5 million d'euros, précise la responsable administrative, Donatella Capresi. Mais la moitié de cette somme a été affectée à des restaurations, dont la plus importante a été celle du vitrail.» Voici donc que s'impose un complément de visite à la collégiale de Casole d'Elsa (pour la fresque du Maestro degli Arenghieri) ou dans l'église de San Lorenzo à Monteriggioni (pour celle du Maestro della Maestà Gondi). A l'heure où l'automne pare la Toscane et le Chianti de ses plus belles couleurs, qui s'en plaindrait ?


 Carlo Farini
06.10.2003