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Politique culturelle

La Chine du côté de chez nous

L'Année de la Chine en France a été officiellement lancée cette semaine avec l'ouverture d'une exposition sur la peinture du XXe siècle.


ZHAN Jianjun, Les cinq héros
du Mont Langya, 1959
Huile sur toile, 186 x 203 cm
PARIS. L'exposition du Centre Pompidou sur la création contemporaine (à voir jusqu'au 13 octobre) avait servi d'apéritif. On entre désormais dans le vif du sujet de ces années croisées - après la Chine en France, ce sera le tour de la France en Chine - avec une succession rapprochée d'événements. Toutes les disciplines y sont convoquées : la danse, le théâtre, la musique, l'archéologie, et toutes les régions de France y sont associées. Paris reçoit bien sûr le gros des manifestations mais l'on ne manquera pas les trésors du Guangxi à Poitiers, Cognac et Loudun ou les photographies du consul Frandon à Shanghai à la fin du XIXe siècle, à Lille. C'est le Palais de la Porte dorée, devenu vacant depuis le déménagement des collections africaines et océaniennes, qui a été choisi pour l'inauguration solennelle. «Ces années croisées sont l'aboutissement de près de cinq siècles d'échanges entre nos deux pays, et surtout la promesse de leur renouvellement» a dit Dominique de Villepin. L'ancien palais élevé à la gloire de la France coloniale - on espère que le choix du lieu n'aura pas vexé la partie chinoise - devient pour quelques mois une vitrine de l'Empire du Milieu.


YU Fei'an (1889-1959)
Magnolia et Loriot : 1956
Encres sur papier
103,8 x 77,3 cm
Un petit vélo noir
Les diverses expositions abordent les thématiques du logement, de l'habillement ou des transports. On voit pêle-mêle des cartes expliquant le développement des routes et des lignes aériennes, des tissus, des répliques de voitures à cheval ou de la Citroën Xsara, désormais produite sur place. On est initié à la virtuosité des charpentiers traditionnels ou à la protection de lacs historiques. Les cartels ont une saveur naïve et autoritaire, à laquelle nous ne sommes guère habitués. Ainsi, devant un beau vélo noir de marque Phoenix : «Alors que les sources d'énergie font de plus en plus défaut, les bicyclettes sont conformes aux besoins de la Chine et continueront à servir de moyens de transport aux Chinois.» Pourquoi donc désirer une Citroën ?

Mao, le plus grand
La section la plus intéressante est abritée à l'étage supérieur. Les tableaux accrochés au mur n'ôtent pas à l'immense galerie son apparence de hall de gare. Surtout lorsqu'il s'agit de petites gravures sur bois, représentant un Chinois émacié, affamé par les exploitants étrangers, comme il s'en diffusa tant dans les années qui suivirent la première guerre mondiale. Même les grandes compositions du réalisme socialiste, faites pour impressionner, pour écraser le spectateur, perdent de leur arrogance. Comme ce Chant des terrassiers de Wang Wenbin ou ce classique de Dong Xiwen, Première Célébration de la fête nationale, où Mao, pourtant de faible stature, domine tout les assistants par le miracle d'une nouvelle loi de la perspective. A l'inverse du principe classique qui stipule que l'on ne touche pas à une œuvre achevée, il s'agissait là d'un tableau «évolutif». Chaque fois qu'un personnage tombait en disgrâce, comme Gao Gang ou Liu Shaoqi, son effigie était impitoyablement gommée. Si les tableaux politiques occupent une place éminente dans le siècle écoulé (avec, dans le sens inverse, une critique des ravages de la Révolution culturelle chez Cheng Conglin), la poésie immémoriale a continué de s'exprimer avec ses oiseaux ou ses paysages dans la brume. En n'utilisant pas l'huile et la toile, méthodes importées, mais les techniques de toujours : l'encre et le papier.


 Rafael Pic
08.10.2003