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Marché

Fièvre d'Extrême-Orient sur Paris

La cinquième édition de l'Automne asiatique, qui fédère quinze galeries, profite de l'engouement suscité par l'Année de la Chine.


Robe impériale à douze symboles,
Jifu, Chine période Qianlong,
XVIIIe siècle, galerie Tanakaya.
PARIS. Un superbe cerf en biscuit émaillé, de l'époque Kanghi (1662-1722), provenant de la collection Fould-Springer, d'une valeur de 20 000 euros. «Je l'ai vendu à un collectionneur, et même à un collectionneur français, se réjouit Bertrand de Lavergne. Les Etats-Unis demeurent évidemment le premier marché pour les arts d'Extrême-Orient. Londres reste une place forte : pensez qu'à l'occasion de l'Asian Week, en novembre, une galerie va exposer douze de ces biscuits de la collection Fould. Mais, désormais, Paris est quasiment au même niveau. Il n'y avait qu'à voir la section d'arts d'Asie au récent Salon du collectionneur. Elle était d'une qualité rarement vue en Europe.» Pour Bertrand de Lavergne, membre de la très fermée International Chinese Snuff Bottle Society (l'association des marchands de tabatières chinoises), l'Automne asiatique parisien contribue à cet intérêt et double la fréquentation de sa galerie.


Statuette représentant une "femme-
médecin" en ivoire, 15,5 cm, Chine,
dynastie Ming, XVIIe siècle, galerie
Banpo.
Une aide-soignante nue
«L'Automne asiatique réunit les membres de l'Association des spécialistes d'arts asiatiques, créée en 2001, explique son président, Antoine Lebel. Il aura désormais un rythme biennal, en alternance avec le Salon du collectionneur. Nous voyons apparaître de nouvelles clientèles à Paris, comme les collectionneurs de Chine populaire, qui ont maintenant des moyens financiers très importants.» Les propositions des quinze participants à ce cinquième Automne sont très variées. Il ne s'agit parfois que de la mise en avant d'une pièce exceptionnelle, comme chez Lavergne ou chez Agnès Deydier, qui a ouvert il y a deux semaines la galerie Banpo, au 17, rue des Saints-Pères : on peut y voir un étrange ivoire chinois du XVIIe siècle : une «femme-médecin» nue, sur laquelle les femmes malades s'appuyaient lors de la consultation.

Le temps, ce grand sculpteur…
Ailleurs, il s'agit de véritables expositions comme celle sur la gestuelle bouddhique au Vieux Chinois ou sur les surimonos (estampes japonaises de luxe offertes lors de cérémonies) chez Tanakaya. Parmi les mises en scène les plus originales, Laurent Colson, de la galerie Luohan, étudie la symbolique de la longévité sur les paravents, les lits ou les boîtes. Un peu dans la filiation de ce qu'avait fait les Captier en 2001 avec leurs «objets racines», la galerie Bouchoucha et Jean Lostalem explorent un champ inattendu : les statues érodées. «Ce sont des statues en bois, qui étaient placées à l'extérieur des temples, explique Jean Lostalem, où elles ont subi, parfois pendant plus d'un siècle, les effets de la pluie, de la mousson.» Les résultats sont surprenants : des formes humaines ravinées, sculptées par les éléments, qui retournent inéluctablement vers leurs origines végétales. Ces objets auraient fait les délices d'André Malraux ou de Roger Caillois, tant ils suscitent un regard neuf. Et, à l'exception des bouddhas birmans du XVIIIe siècle, qui peuvent monter jusqu'à 15 000 euros, les prix restent fort sages : on peut acquérir de petites statues votives indiennes à partir de 100 euros…


 Rafael Pic
13.10.2003