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Politique culturelle

Quel avenir pour le Palais de Tokyo ?

Alors que le site d'art contemporain commence à peine à trouver son rythme de croisière, le ministre de la Culture annonce une «redéfinition» de ses missions.


Vue de l'exposition Silence sonore
de Chen Zhen © Daniel Moulinet.
PARIS. Le duo à la tête du Palais de Tokyo - Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud - s'apprête à vivre en février 2004 un deuxième anniversaire peu exaltant. Le président de l'institution, une figure tutélaire de l'art de ce demi-siècle, Pierre Restany, est mort il y a quelques mois. Et les récentes déclarations du ministre de la Culture ne contiennent rien de rassurant pour l'actuelle direction. Si elle a été confirmée jusqu'à la fin de son mandat, en 2005, elle perd une bonne part de son pouvoir de décision. Une mission de «redéfinition», incluant les grandes lignes de la programmation à venir, a en effet été confiée à Bernard Blistène, inspecteur général de la création artistique.

Trouver ses marques
Il y aurait certes beaucoup à redire sur le Palais de Tokyo, et notamment sur le choix de certaines expositions mineures, égarées sur les parois de cette vraie-fausse friche industrielle. Mais le bilan intermédiaire n'est, au fond, pas négatif, et il semble pour le moins précoce de s'engager sur de nouveaux rails. «Pour nous le pari est gagné, estime Jérôme Sans. Il s'agissait de familiariser un public jeune à l'art contemporain, en lui offrant des plages horaires originales, jusqu'à minuit. Un tiers de nos visiteurs viennent effectivement après 20 heures. Et si nous sommes actuellement sur une moyenne de 200 000 visiteurs payants par an, il faut tenir compte du fait que l'entrée est gratuite pour les moins de 18 ans. Et que nous ne comptabilisons pas l'affluence aux vernissages, ouverts à tous, ce qui est une initiative peu commune. Pour Chen Zhen, nous avons eu 5000 personnes.» L'utilisation de l'espace, qui a longtemps semblé approximative, s'est améliorée. Les installations de Chen Zhen, Upside Down Bouddha ou, au fond, la Purification Room, curieuse pièce d'archéologie «pompéienne» - un salon bourgeois figé dans la boue - semblent parfaitement «formatées» aux quelque 3000 m2 de galerie d'exposition. Le restaurant le long de l'avenue du président Wilson, Tokyo Eat, dessiné par Stéphane Maupin, a enfin ouvert, comblant une longue aile vide. En termes strictement financiers, le Palais de Tokyo ne peut pas vraiment être «épinglé». Son taux d'autofinancement est de 55% (à titre de comparaison, il est d'un peu plus de 30% au Louvre). Les subventions de l'Etat représentent 5,6 euros par visiteur contre une moyenne de 7,3 euros pour les centres d'art.


Boutique BlackBlock © Daniel Moulinet.
Questions de surface
Dans son discours du 30 septembre, le ministre a fait état d'une «nouvelle ambition» pour le Palais de Tokyo, avec des «missions élargies». Celles-ci comprendront la présentation mobile des collections des FRAC, des artistes des «générations intermédiaires» (auparavant montrés au Jeu de Paume, ils étaient en attente d'une nouvelle «affectation»). Mais aussi de la mode, du graphisme, du design. N'est-ce pas trop ? Martin Bethenod, délégué aux arts plastiques, récuse ce procès : «Ce n'est pas faire un fourre-tout que d'affirmer que l'on peut présenter dans une logique cohérente des artistes de générations différentes. Et je crois que les relations entre arts plastiques et design sont aujourd'hui un fait incontestable et très tonique de la situation contemporaine. Ce qui compte, en fait, c'est la manière dont tout cela s'articule en un projet, reflète une vision ouverte et dynamique de la réalité de la création d'aujourd'hui.» Ce nouveau Palais de Tokyo devra faire face à un premier écueil de taille : il ne dispose pas actuellement d'autorisation de la préfecture pour présenter du spectacle vivant. Autre point crucial : de quelle surface dispose-t-on ? Selon les chiffres de Jean-Jacques Aillagon, le Palais de Tokyo n'utiliserait que 3 000 m2 sur 20 000 m2 disponibles. En réalité, déduction faite des espaces consacrés à la restauration et aux bureaux, il ne resterait pas 17 000 m2 mais seulement 12 000 m2. Dont la moitié, environ, se trouvent en sous-sol, davantage adaptés à des réserves qu'à des expositions. On attend donc d'en savoir plus pour comprendre la lisibilité encore insuffisante de ce projet. «C'est un très vaste travail, reconnaît Martin Bethenod, qui promet des échéances rapprochées : Je pense que nous devrions avoir un premier point d'étape au début 2004


 Rafael Pic
24.10.2003