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Expositions

Raphaël Sanzio (Urbino, 1483 - Rome, 1520)
Portrait de Balthazar Castiglione, 1514-1515
Huile sur toile
82 x 67 cm
Paris, Musée du Louvre


Raphaël Sanzio (Urbino, 1483 - Rome, 1520)
Dame à la Licorne, 1505-1506
Huile sur toile marouflée sur bois
67,7 x 53,2 cm
Rome, Galerie Borghèse


Raphaël, voyage en ovalie

Dans le cadre de sa programmation plus «agressive», le musée du Luxembourg accueille les portraits du peintre de la Renaissance.

Les nouveaux directeurs s'étaient-ils donné pour objectif de faire venir le public dans le plus ancien musée de France ? Après les 300 000 visiteurs de la collection Rau, le pari a toutes les chances de réussir une nouvelle fois avec Raphaël, le maître de la grazia. Peu d'œuvres mais bien choisies, provenant de grandes institutions, toutes sur le thème du portrait : une approche judicieuse, mise en scène de façon théâtrale. L'intérieur du musée est plongé dans le noir. Des faisceaux d'une lumière sourde et rasante, rouge, verte ou bleue, permettent de dinstinguer des arcs, des portiques, toute une architecture symbolique, trop propre pour évoquer Piranèse mais clairement italienne… Les tableaux, aux cadres parfois somptueux, comme ce Portrait de Baldassare Castiglione (musée du Louvre), sont entourés d'un halo de lumière. Chutes et heurts en perspective, et torticolis pour associer les panonceaux aux toiles correspondantes, le plaisir est à ce prix…

Car c'est un plaisir que de suivre l'itinéraire de l'enfant d'Urbino, de ses Marches natales aux grands succès romains, des dessins nerveux au fusain, à la plume, comme ce Moïse devant le buisson ardent, aux beaux visages ovales de la maturité, qui deviendront sa marque de fabrique. On s'attroupe bien sûr devant la Fornarina (palazzo Barberini, Rome) avec l'interrogation d'usage : cette courtisane raffinée était-elle bien l'amante du peintre, qui l'aurait abandonné sans vergogne pour voler vers le succès ? Elle occupe tout le mur du fond, elle et ses clones. La vraie Fornarina date de 1518-19, ses sœurs lui sont postérieures, parfois de peu, comme cette version de Raffaellino del Colle, datée de 1530. On en trouve d'autres du 17e ou du 18e siècles, par Francesco Rastaini ou Pietro Fontana. Elles témoignent à leur façon du succès durable du modèle raphaélien, autant que la réaction des peintres anglais du 19e siècle, lassés de cette domination et pressés d'en revenir aux rugueux pré-raphaélites…

Pas d'ambition académique dans cet accrochage - qui a cependant permis la restauration d'une Dame à la licorne (Galerie Borghèse, Rome), longtemps tenue pour une Sainte Cécile - mais une agréable évocation, qui se termine un peu maladroitement avec des gigantographies des fresques de Raphaël conservées dans les palais romains. On revient naturellement à la pleine lumière, le charme est rompu…


 Rafael Pic
10.10.2001