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Expositions

Les robots pleurent aussi

Des mécaniques douées de sentiments et capables de communiquer avec l'homme : les créateurs japonais présentent à Paris le dernier cri en matière de robot.


PaPeRo (NEC)
Hauteur 38,5 cm
Poids 5 kg
PARIS. Si le mot «robot» est tchèque - il a été créé dans les années 1920 par le romancier Karel Capek - le concept existe dans toutes les langues. L'Occident a une longue histoire en la matière, du golem au célèbre canard de Vaucanson, en passant par les horloges animées. Mais le Japon ne le cède en rien et pas seulement, comme on pourrait le penser, dans les dernières décennies. Dès le XVIIe siècle, on y concevait des «karakuri-ningyô» ou poupées mécaniques, dont la plus spectaculaire était un automate serveur de thé. Après une brève introduction filmée qui montre jusqu'où est poussée actuellement la recherche - robot-chat pouvant se relever après une chute ou robot-insecte - l'exposition à la Maison de la culture du Japon explore les liens qui se sont tissés entre cet univers technologique et la création contemporaine.


Instrument de musique
de la série Tsukuba,
par Maiwa Denki
Guerre aux virus
Dans les expositions d'art «classiques», il ne faut rien toucher. Ici, c'est le contraire : on doit expérimenter autant que possible. Ce contact direct avec les œuvres contribue évidemment à la dimension ludique du parcours, balisé de blanc et de teintes fluorescentes. Dans la salle Happy Robot, il faut lancer la table tournante à toute vitesse pour qu'y apparaissent de jolies fleurs en surimpression. Il faut agiter en tous sens le cube rieur jusqu'à ce que ses yeux se couvrent de serpentins, indice, chez lui, de malaise. Dans l'alcôve suivante, dédiée à Cochineal (par Noboru Tsubaki, présent en 1993 à la Biennale de Venise), on doit se glisser dans une sorte de caisson spatial pour occire les virus internet qui apparaissent sur l'écran sous forme de gros vers. Chaque fois qu'un virus survit, une désagréable vibration parcourt votre échine.

Dialogues d'orchidées
L'incursion des artistes dans le monde des robots se fait à la croisée de nombreuses disciplines - musique, image animée, sculpture - et tient beaucoup de l'installation. Le panorama qui suit Cochineal a une indéniable puissance esthétique. Au fond, une armée de minuscules Pikachu envoient des éclairs périodiques, autour de leur guide, l'artiste lui-même (Yanobe Kenji), en tenue de décontamination, dans la pose du moine Küya de Kyoto. Devant, c'est Orchisoid, une maison de verre qui fait penser aux igloos de Mario Merz, due à Masaki Fujihata et Yûji Dôgane. Des orchidées, mises sous électrodes, s'y agitent en fonction de leurs interactions électriques. Les fluides qu'elles s'échangent, que des courbes matérialisent sur des histogrammes, prouvent qu'elles ont des choses à se dire. Le petit bonhomme PaPeRo, que l'on peut voir en démonstration, est encore plus communicatif. Il répond à la voix, grogne quand on le tape ou qu'on le réprimande, ronronne quand on le cajole, transmet des messages. Humain, trop humain ? En attendant, ce sont des gardiens en chair et en os qui surveillent cette petite ménagerie. Les robots progressent mais ne sont pas encore autosuffisants.


 Pierre de Sélène
28.10.2003