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Expositions

Apprenez vos classiques grecs

La peinture grecque, méconnue en Europe, fait l'objet d'un éclairage original en Suisse, à la fondation de l'Hermitage. Derrière le Greco, découvrez Pige et Lytras…


Nikolaos Gysis (1842-1901)
L ‘araignée, 1884
huile sur panneau, 71 x 51,5 cm
LAUSANNE. La Pinacothèque nationale d’Athènes, dont le fonds d’environ 10 000 œuvres est en grande partie constitué de legs faits à l’Etat, a vu le jour en 1900. La Fondation de l'Hermitage présente un échantillonnage de cette collection publique, soit quelque 80 œuvres, dont certaines ont été restaurées pour l’occasion. La sélection, effectuée par la directrice de la Pinacothèque, Marina Lambraki-Plaka, offre un aperçu des mouvements artistiques en Grèce du XVe au XIXe siècle. On devine dans les icônes post-byzantines, de la fin du XVe au XVIIe siècle, les influences conjuguées de l’Italie et de l’Orient, associées à une tradition hellénique profondément enracinée : si le support, un panneau de bois, et la peinture à la détrempe proviennent d’une tradition archaïque, la composition, les coloris ou la mise des personnages dénoncent les emprunts au monde occidental, plus particulièrement aux vénitiens, Bellini ou le Tintoret en tête. Qui, mieux que le Greco, pouvait symboliser cette synthèse, entre Orient et Occident, art byzantin, maniérisme, baroque ? Peintre d’icône par formation, né en Crète en 1541, alors que l’île se trouvait sous protectorat de la République de Venise, il partit y étudier, à l’école du Titien. Ce furent ensuite Rome et enfin Tolède, alors touchée par le mysticisme exacerbé de la Contre-Réforme. Au cœur des salles du rez-de-chaussée de la Fondation, écrin spécialement repeint pour l’occasion, trône le Concert des anges, œuvre emblématique et probablement inachevée, commandée pour la chapelle de l’hôpital Saint-Jean Baptiste de Tolède. Réalisée entre 1608 et 1614, année de la mort de l’artiste, elle fait partie d’un ensemble de trois retables. Le Concert représente la partie haute de l’un d’eux, la partie basse, une Annonciation, se trouvant dans la collection de la banque Central Hispano à Madrid.


Stephanos Tzangarolas (fin du
XVIIe s.-début du XVIIIe s.)
L’Adoration des bergers,
vers 1688-1700, tempera sur
panneau, 98 x 80 cm
Vers un art national
L’indépendance et la création de l’Etat grec, après quatre siècles d’occupation ottomane, annoncent un tournant artistique. Lorsque l’Ecole des beaux-arts est créée, en 1836, il n’existe pas d’art officiel, mais plutôt un mouvement entre art religieux et art populaire. Mus par le désir d’affirmer un style propre et celui d’une reconnaissance internationale, les peintres grecs intègrent une nouvelle tradition, celle du portrait : ceux de Francesco Pige, dans un style naïf, entre Ingres et le douanier Rousseau, sont des portraits mondains de la société émergente, jadis agraire et désormais bourgeoise. La combinaison de l’aspect ingénu, des poses empruntées, de la richesse des détails, en fait une émouvante représentation. Autre découverte, l’exposition comprend des œuvres de «l’Ecole de Munich», formée de peintres grecs partis après 1870 faire leur apprentissage en Allemagne : une peinture de genre, au réalisme idéalisé (Les Premiers Pas de Nikophoros Lytras), portant l’empreinte des préraphaélites (Le Baiser de Georgios Iakovidis, premier directeur de la Pinacothèque). On retrouve l’un d’entre eux, Nikolaos Gysis, en artiste symboliste, dont les étonnantes œuvres exposées en sous-sol jouxtent celles de Iakovos Rizos, (digne) élève de Cabanel.


Eugène Delacroix (1798-1863)
Guerrier grec à cheval, 1856
huile sur toile, 65,7 x 81,6 cm
Delacroix, grec par sympathie
Des œuvres d’artistes occidentaux complètent la liste : les écoles néerlandaise, italienne et française sont présentes avec, entre autres, Jordaens et Bruegel le Jeune, van der Meulen, Tiepolo, Cecco da Caravaggio et della Vecchia, Linard ou Fantin-Latour. Niché dans les comble, on peut admirer un ensemble de dessins des écoles française et italienne du XVe au XVIII siècle, provenant du cabinet d’un collectionneur. Le plus grec des peintres français est peut-être, comme l’intitulé de l’exposition l’indique, Delacroix. Comme pour les Scènes des massacres de Scio ou La Grèce sur les ruines de Missolonghi, il est ici présent avec un autre tableau sur l'indépendance. Cet Episode de la guerre en Grèce, plus tardif (1856), met en scène un guerrier grec dont la monture saute au-dessus d’un guerrier à terre, symbole de la défaite de l’occupant ottoman.


 Elodie Palasse
07.02.2004