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Expositions

Artemisia Gentileschi, Judith et la tête d'Holopherne, musée des Offices, Florence


Les Gentileschi : telle fille, tel père

Relancée par une exposition florentine il y a dix ans, la fortune posthume d'Artemisia Gentileschi a occulté le talent de son père Orazio. Tous deux sont réunis à Rome.

Orazio Gentileschi est sans aucun doute l'un des disciples les plus intéressants du Caravage, d'autant qu'il a été bien autre chose qu'un suiveur. La première surprise qu'offre la présentation de trente-sept tableaux importants de sa main est que les scènes violentes attribuées à sa fille sont également présentes dans son œuvre. Sa Judith et la servante (vers 1609), son David et Goliath n'ont rien à envier de ce point de vue au célèbre Judith tranchant la tête d'Holopherne peint par Artemisia vers 1613, qui se trouve aux musée des Offices. Et Artemisia a aussi exécuté des scènes moins sanglantes, comme cette Madeleine repentante

Né à Pise, Orazio part à Florence parfaire son éducation artistique dans un climat qui est celui du maniérisme finissant. Au tout début du 17e siècle, il s'installe à Rome, fait la connaissance du Caravage et sa démarche en est bouleversée. Moins dramatique et moins spectaculaire que son aîné, il peint des toiles d'une grande sensibilité comme sa Vision de sainte Cécile (vers 1607) ou sa superbe Vierge à l'enfant de 1609. Il n'est emphatique et théâtral que dans Saint Michel et le diable (vers 1608) ou, dans une moindre mesure, dans Saint François recevant les stigmates. En 1612 il commence une existence errante, d'abord dans les Marches, puis à Gênes entre 1621 et 1623. C'est pendant cette période qu'il peint la très belle Vierge à l'Enfant Jésus du Fogg Art Museum de Cambridge (Massachusetts). Il se retrouve à Paris en 1624, à la cour de Marie de Médicis, où il ne reste que deux ans avant de séjourner un moment en Espagne. Enfin il se rend à Londres, devenant peintre du roi avec Van Dyck et Rubens, pour y peindre l'un de ses chefs-d'œuvre, Diane chasseresse (1630, Musée des Beaux-Arts de Nantes) et l'extraordinaire Dame jouant du luth. Il y décède en 1639.

D'Artemisia Gentileschi qui, née à Rome, poursuit sa carrière à Florence après le scandale provoqué par son professeur de peinture, Agostino Tassi (qui finit en prison), on connaît le récent succès sur les écrans. Elle peint plusieurs toiles qui peuvent surprendre en dehors de ses Judith, ses Cléopâtre et ses Salomé furieuses et castratrices. Elle a laissé des ouvrages d'une sensualité saisissante comme Danaé (vers 1612) et la très surprenante Allégorie de la peinture (1620-30, Musée de Tessé, Le Mans). Artemisia, au talent incontestable, n'a rien de l'artiste maudit : elle est la première femme reçue au sein de l'académie du dessin en 1616. Son existence errante la mène à Gênes, auprès de son père, à Florence, à Londres. Enfin, elle s'installe à Naples où elle meurt vers 1652. Il faut retenir d'elle l'impétueux autoportrait, qui traduit autant son tempérament pictural que sa personnalité, que l'on sait avoir été imprévisible et extravagante…


 Gérard-Georges Lemaire
31.10.2001