Le corps humain et ses images

À en croire Jean Starobinski, le propre de l’homme est d’être un homo fingens, un fabricateur de corps fictifs. Dès lors, quoi de plus pertinent pour mieux le connaître et le comprendre que d’explorer le vaste corpus des représentations humaines ? C’est à ce travail qu’un iconographe et grand voyageur, Nicolas Bouvier, et un historien, Jean Starobinski, s’étaient attelés après leur rencontre autour d’un ouvrage sur l’histoire de la médecine en 1963. Le corps, miroir du Monde en est le résultat. Il se compose comme un dialogue intime entre une iconographie foisonnante - gravures médicales médiévales, ex-voto suisses, planches tantriques indiennes ou gravures des théâtres d’anatomie de Hogarth - et des extraits poétiques ou philosophiques relatifs à l’expérience du corps - Horace, Lautréamont, Michaux ou les poètes classiques japonais.

Cet ouvrage est actuellement exposé au musée du design et des arts appliqués de Lausanne. En compagnie d'une trentaine d’autres, il a été primé par l’Office fédéral de la culture suisse lors du concours « Les plus beaux livres suisses 2000 » en fonction de critères techniques. Une récompense aisément compréhensible tant la conception graphique sert le propos des auteurs. Reproductions en pleine page trouvant écho dans des textes ou images se faisant face, tout suscite la curiosité et incite à la réflexion. Du rapprochement d’une planche de dissection du 16e siècle figurant les réseaux nerveux et de l’une des pensées de Marc-Aurèle, « Il n’est rien pour ainsi dire qui ne soit isolé de toute relation avec quelque autre objet » ou de celui des silhouettes inspirées par la physiognomonie de Lavater et d’un portrait japonais de profil, en « ombre chinoise ». Malheureusement, dans ce parcours, on se trouve souvent un peu désarmé pour comprendre ces images mystérieuses et les cultures qui les ont engendrées.