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Expositions

Veni, vidi, Ricci

C'est près de chez lui, dans le palais Farnèse de Colorno, que l'éditeur et esthète Franco Maria Ricci présente sa collection personnelle.


Adolfo Wildt, Vir Temporis
Acti, marbre, vers 1912.
COLORNO (PARME). On s'attend bien sûr à de l'imprimé. Francesco Maria Ricci n'a-t-il pas bâti sa gloire sur la réédition du Manuel typographique de Bodoni et de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert puis sur la publication de la «plus belle revue d'art du monde», tout simplement intitulée FMR ? On est un peu déçu de ce côté-là et c'est tant mieux. Le Ricci éditeur est fort connu et beaucoup moins le Ricci collectionneur (et le Ricci designer graphique qui a travaillé pour Alitalia, pour des banques, pour la Poste ? Il y aurait là matière à une autre rétrospective). Dans le palais jaune dessiné par Petitot et autrefois fréquenté par Marie-Louise, l'épouse de Napoléon, lorsqu'elle devint duchesse de Parme, c'est le décorateur Pier Luigi Pizzi qui s'est chargé de la mise en scène. La tâche n'était pas simple dans ce bâtiment vidé depuis l'Unité italienne. Pizzi a déployé de grandes tentures, replacé des miroirs, réinstallé des meubles en bois noir dessinés par Ricci lui-même. «Il fallait que cela ressemble à une maison, à un chez soi» commente Giovanni Godi, l'un des deux commissaires de l'exposition avec Laura Casalis.


Mazzola Bedoli, Sainte Famille,
XVIe siècle, huile sur toile
Une collection en forme de coups de cœur
La passion pour l'encyclopédisme et le XVIIIe siècle français se lit dans tous ces bustes signés Boudard, Martin de Grenoble, Houdon (celui de sa jeune femme enjouée, que l'on voit aussi à Versailles en ce moment). Il y a quelques tableaux de grands noms ou de leur entourage : Lanfranco, Solario, Bedoli, Ludovic Carrache et des portraits par Hayez. Mais ce qui fascine, ce n'est pas une liste de valeurs sûres, c'est cette façon de collectionner par coups de cœur, sans s'interdire aucun domaine. Le résultat est bien sûr en forme de cabinet de curiosités. Avec, par exemple, un noyau Art déco : au bout d'une longue enfilade, on arrive dans une salle où les dessins d'Erté voisinent avec les sculptures de danseuses de Chiparus, aux seins nus et aux drapés compliqués. Auparavant, on a eu droit à l'escale Memento Mori où des crânes peints ou sculptés (comme celui-ci, flamand du XVIIIe siècle, reposant sur un livre) et des cadavres mangés de vers nous rappellent la fugacité de la vie.


Francesco Hayez, Portrait
de Francesca Majnoni
, XIXe
siècle, huile sur toile
Cire et marbre
A côté, ce sont des des portraits en papier mâché ou en stuc peint. Ou des cires comme celles que l'on voit en grande quantité au Musée de La Specola à Florence. Ce Jeune prince et ce Gentilhomme en armure (par Anna Maria Braun, née à Lyon en 1642) correspondent impeccablement à l'esthétique de Franco Maria Ricci : le buste bien centré sur fond noir, le tout composé en matériaux précieux tendant au «snob» : cire, tissus, galons d'or. Des principes repris par Pizzi à l'entrée de l'exposition où l'effrayant gladiateur en marbre d'Adolfo Wildt, aux muscles hypertrophiés, se détache sur un horizon bitumineux. Franco Maria Ricci vient de signer le dernier éditorial de sa revue. Il a vendu sa maison d'édition à un groupe bolonais et reprend sa liberté. Pour faire quoi ? Comme le prince de Ligne : il va se composer un jardin en forme de labyrinthe chez lui, à Parme. Avec quelles couleurs ?


 Rafael Pic
13.04.2004