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Quand les statues étaient peintes

A la glyptothèque Ny Carlsberg, on essaie de redonner à la sculpture antique ses couleurs d'origine. Le résultat est surprenant.


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COPENHAGUE. L'intitulé de l'exposition, fruit d'une collaboration entre la Glyptothèque Ny Carlsberg, son homologue de Munich et les musées du Vatican, est explicite : «ClassiColor, la couleur dans la sculpture grecque et romaine». Archéologue et conservateur de la Glyptothèque de Munich, Vinzenz Brinkmann est à l’origine du projet, avec son épouse, Ulrike Koch-Brinkmann, et une équipe de chercheurs et de restaurateurs. Tous ont concentré depuis plusieurs années leurs recherches sur l’état originel des statues et autres fresques antiques, en se basant sur quelques textes anciens qui en offrent des descriptions, et en tirant profit des outils techniques que la science met désormais à la portée des historiens et des restaurateurs d’art. Une analyse élémentaire, moléculaire et structurale, puis organique, permet en effet de retrouver les tracés, la nature et la composition exacte des pigments d’origine minérale, végétale ou animale, leur origine géographique… A partir des conclusions, les archéologues peuvent alors entreprendre leur minutieux travail de reconstitution.


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Références faussées
Le travail a principalement été réalisé en Allemagne, par le biais de moyens semblables à ceux utilisés en France par le Centre de Recherches et de Restauration des Musées de France (C2RMF), dont les machines officient discrètement dans les sous-sols du musée du Louvre. C’est au C2RMF qu’on doit notamment d’avoir percé à jour tous les secrets de la scène du puits de la grotte de Lascaux, un des panneaux majeurs de l’art rupestre paléolithique (la première représentation de l’affrontement de l’homme et du bison). Le résultat exposé à Copenhague surprend, à la fois par la vivacité des couleurs, la richesse des pigments utilisés, mais aussi par contraste : aux chefs-d’œuvre d’une blancheur marmoréenne, qui servent de référence depuis de nombreux siècles (une norme qui n’aurait pu dû en devenir une, en fin de compte) sont juxtaposées leurs copies «recolorisées» dans des nuances éclatantes, qui anéantissent le poli du marbre, et feraient presque ressembler les statues à des œuvres de stuc aux tonalités criardes.


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Lion bleu et jaune
Sous les mains expertes des Brinkmann, Caligula, monstre sanguinaire aux tenues extravagantes (troisième empereur romain, de 37 à 41), se défait de son air lisse et poupin pour révéler un regard vert d’eau, une bouche au pli amer, un air de détermination à glacer les sangs. Un archer du temple d’Aphaia à Egine (où fut inventée la toute première pièce de monnaie) se découvre paré d’un étonnant casque décoré d’une multitude d’écailles colorées. Un peu plus loin, un lion provenant de Loutraki (près de Corinthe) vers 570-560, retrouve toute sa féline majesté en pigments jaunes ocres, bleu dur et quelques rehauts de rouge en fins tracés. Qui a dit que la scultpure antique était fade? Kitsch, peut-être…




 Elodie Palasse
20.04.2004