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Expositions

Abraham Bosse, le reportage par la gravure

A l’occasion du 400e anniversaire de sa naissance, la Bibliothèque nationale rend hommage au célèbre graveur.


Les vierges sages viennent au
devant de l'époux céleste

eau-forte et burin, 256 x 326 au c.
de pl. © BNF
Abraham Bosse (v.1604-1676) est une des figures les plus marquantes dans le domaine de l’estampe au XVIIe siècle. Il est l’auteur du premier traité entièrement consacré à la gravure, et plus précisément à la technique de la taille douce basée sur un procédé chimique. D’origine flamande, il vécut à Tours avant de faire son apprentissage à Paris, dès 1620, auprès du graveur Melchior Tavernier. Une première partie de l’exposition est consacrée à cette étape de formation. Suit une répartition thématique des divers sujets traités par la gravure au XVIIe siècle, qu’ils soient historiques, littéraires ou religieux. Les œuvres sont présentées de manière claire et sont judicieusement placées sur un fond jaune.
Bosse s’inscrit à la fois comme un «reporter» des évènements de la cour de Louis XIII en représentant, par exemple, le mariage de la reine de Pologne. Il constitue, de ce fait, une rare source de documentation sous ce règne. Il s’intéresse aussi à des sujets plus quotidiens : des gravures mettent en scène différents corps de métiers tels que le maître d’école ou un couple de savetiers. Il décrit leur intérieur de manière précise. Ces scènes ne sont pas dénuées d’humour, telles ces caricatures d’Espagnols pendant la guerre de Trente Ans ou La femme battant son mari. Il nous renseigne sur les «grands magasins» de l’époque comme la Galerie du Palais de Justice, qui accueillait des stands de libraires, de merciers, etc. En tant que fils de tailleur, la mode l'intéresse également. Il grave plutôt des vêtements d’apparat avec une grande précision dans le rendu du costume sous toutes ses coutures. Il témoigne des coutumes de son époque. La Planche des Billets pour la Fête du Roi, associant texte et image, présente des vignettes gravées (où sont inscrits les rôles carnavalesques) tirées d’un chapeau. Bosse adaptera même au goût de son époque des séries de gravures inspirées de la Bible.


Avec privilège du Roy, burin et
eau-forte, 302 x 341 au c. de pl.
© BNF
A l'ombre des grands maîtres
La présentation de son traité de gravure en taille douce, publié en 1645, permet d’introduire dans l’exposition quelques notions techniques sur les différences entre la taille douce à l’eau-forte et la taille directe au burin. Les gravures et les notes du traité d’Abraham Bosse détaillent leurs moyens de fabrication. Il manque, cependant, à l’exposition, des explications plus générales et interactives sur les différentes techniques de la gravure pour stimuler l’intérêt du visiteur non averti. L’exposition s’enrichit d’un panorama des différents graveurs du XVIIe siècle car, selon le commissaire de l’exposition, Maxime Préaud, conservateur général au département des estampes et de la photographie à la Bibliothèque nationale, où sont conservées ces gravures, «Bosse n’est pas une figure isolée dans son siècle. C’est aussi l’occasion de manifester que le monde de l’estampe ne se réduit pas à quelques noms.» Dans son traité, Bosse insiste sur sa filiation avec les grands maîtres de la gravure comme Matthieu Merian l’Ancien. Il commence d’abord par copier des gravures de J. De Bellange, J.Boucher… Il collabore également avec d’autres grands graveurs de son temps comme Mellan, au style italianisant, dans le portrait de James Howel notamment. Un certain nombre de ces grandes figures ne jouissent pas de la notoriété qu’elles méritent. En effet, la gravure a souvent été réduite à un rôle de diffusion des informations et des modèles décoratifs de son époque, et apparaît, de ce fait, comme un genre mineur. L’estampe n’a pas ce caractère unique, sacré, de l’œuvre d’art du fait de sa reproduction multiple. De plus, l’inspiration de l’artiste est limitée car elle doit obéir à la technique. Ces deux derniers facteurs rapprochent plus la gravure d’une diffusion populaire que du domaine des beaux-arts. Elle n’était d’ailleurs pas réservée à une élite et son coût permettait de l’acquérir facilement. C'est Rembrandt qui introduira au XVIIe siècle la notion de caractère unique de chaque état de la gravure. Il apporte une dimension méditative à l’art de l’estampe. Cet aspect se retrouve dans les œuvres plus scientifiques des années de maturité de Bosse : c'est un second volet de l'exposition, que l’on peut voir actuellement, au Musée des beaux-Arts de Tours.


 Yseult Chehata
17.06.2004