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Peindre ce qui n'est pas

Denys Riout invite à une visite posthume chez Yves Klein.

Jusqu’à ce jour, et à juste titre, la monographie de Pierre Restany faisait autorité quand il s’agissait de pénétrer dans l’univers d’Yves Klein. Denys Riout n’a pas l’ambition de lui ravir cette position, ce qui serait d’ailleurs absurde. Mais il apporte néanmoins quelque chose de précieux : une description très épurée et sans grande rhétorique du parcours de cet artiste qui a voulu enfreindre les limites du possible en art. Vue rétrospectivement, cette ambition, aussi belle et ambitieuse soit-elle, paraît presque dérisoire quand on la compare avec ce qui se joue à notre époque. Mais Klein est sans doute l’un des derniers créateurs à avoir été jusqu’au bout du modernisme, faisant (involontairement) le lit d’une autre lignée d’artistes qui sont passés franchement à autre chose. Alors que Malévitch et Rodchenko se sont affrontés en 1915 sur le terrain du tableau non-objectif en n’utilisant que le blanc et le noir pour affirmer l’autonomie absolue de la peinture, Yves Klein reprend leur problématique et la pousse dans le sens du monochrome qui serait la manifestation pure et absolue de l’immatérialité. L’exposition baptisée «Le Vide» qu’il présente en 1958 chez Iris Clert n’a été que la mise en scène de cette perspective de recherche. Et, en 1960, l’exposition baptisée «Le Plein» par Arman n’a été que son contrepoint dérisoire. Riout raconte donc d’une manière un peu scolaire mais avec beaucoup de minutie la richesse et la complexité de la démarche de cet homme qui s’est donné pour tâche d’explorer toutes les zones critiques (et donc extrêmes) de l’art moderne, au point de faire de son laboratoire esthétique le spectacle permanent d’une provocation qui s’autoalimentait de ses audaces et des réactions qu’elle provoquait – et en faisant de lui du même coup une figure légendaire. Qu’on ne s’attende ni à des révélations époustouflantes ni à des analyses savantes. C’est un récit sage et scrupuleux qui peut donner aux néophytes l’envie de faire connaissance de l’auteur des Anthropométries et de la Zone de sensibilité picturale immatérielle.


 Gérard-Georges Lemaire
28.06.2004