Home > Le Quotidien des Arts > M. Mécénat à l’assaut de la province

Politique culturelle

D.R.

M. Mécénat à l'assaut de la province

Pour François Erlenbach, à la tête de la mission Mécénat au ministère de la Culture, les PME régionales sont une terre promise.

Quel rapport entretiennent les deux grandes lois sur le mécénat de janvier 2002 et août 2003 ?
François Erlenbach.
La loi musées de janvier 2002 permet à une entreprise de déduire de ses impôts une part du prix du trésor national qu’elle acquiert : 40% si elle l’acquiert pour son compte, 90% si c’est pour le compte de l’Etat. La loi d’août 2003 a amélioré ces dispositions. Elle les a rendues définitives (elles n'étaient à l'originelle applicables que jusqu’en 2006), et a permis de les étendre aux objets se trouvant à l’étranger ou sur le sol français depuis moins de cinquante ans.

La loi de 2003 a cependant une autre portée que de simplement améliorer celle de 2002.
François Erlenbach.
Bien sûr. Outre qu'elle facilite la création de fondations, elle permet aux entreprises de déduire de leur impôt 60% du don qu’elles font à une œuvre d’intérêt général. Avant, ces dons passaient par les frais généraux. Ils réduisaient l’assiette de l’impôt sur les sociétés, qui est de 33%. Maintenant, ils réduisent l’impôt lui-même ! Et la limite a été plus que doublée : la somme maximale que l’on peut déduire est de 0,5% du chiffre d’affaires annuel. Autant dire qu'il s'agit d'une petite révolution.

C'est pour aider les entreprises à tirer parti de ces dispositions que la mission mécénat a été créée au ministère de la Culture.
François Erlenbach.
Nous sommes une petite structure de trois personnes. Notre mission est de coordonner l’action du ministère. Pour les grands mécènes, c’est simple, ils sont connus. Il faut simplement leur manifester la reconnaissance de l’Etat ce qui, il faut le dire, n’a pas toujours été fait. Mais le fondement de notre analyse, c’est qu’il existe un autre gisement de mécénat, fondé sur les PME et PMI en région. Pour les toucher, nous diffusons l’information sous forme de brochures. Nous avons ainsi imprimé 280 000 dépliants, qui sont disponibles dans les directions des impôts, dans les chambres de commerce, etc. Et notre site internet rassemble toutes les données disponibles.

Cela suffit-il pour changer les mentalités et faire naître une nouvelle génération de mécènes ?
François Erlenbach.
Non, bien sûr. Nous avons aussi un réseau de 110 correspondants en province. Leurs profils sont variés : il s’agit de personnes qui travaillent dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), dans des établissements publics, dans des orchestres, etc. Nous leur proposons des formations avec l’Admical pour bien connaître les dispositions de la loi et pour les aider à approcher le monde de l’entreprise. Enfin, nous organisons également de nombreuses réunions : en un an, j’ai effectué trente-deux voyages. Les 24 et 25 mai, nous avons rencontré 60 chefs d’entreprise à Lyon. Le 3 juin, nous étions à Marseille à la Friche de la Belle de Mai, avec l’association des mécènes du Sud, qui réunit huit entreprises, dont Ricard et Vacances bleues, qui ont une démarche de soutien à l’art contemporain. A l’issue de cette rencontre, dix-sept dirigeants d’entreprise se sont déclarés intéressés à entrer dans l’association.

L'arsenal législatif et votre action : cela permettra-t-il de mettre la France au niveau des pays anglo-saxons ?
François Erlenbach.
Un nouveau discours se met en place : on ne parle plus de philanthropie. Le mécénat est désormais intégré dans la démarche globale de communication de l’entreprise. Il est clair que chez les Anglo-Saxons, la démarche du mécénat est intégrée dans les neurones. Chez nous, ce sera le cas dans une génération maintenant que nous avons les outils nécessaires. Il est trop tôt pour tirer des conclusions même si nous disposerons de tendances concrètes au premier trimestre 2005. De son côté, le Parlement fera une évaluation en juillet 2005, à deux ans du vote de la loi. Mais, dès la fin de cette année, nous publierons un vademecum avec deux grands volets : le premier fera un résumé des bonnes pratiques, pour les mutualiser ; le second abortera les principaux problèmes du mécénat sous forme de questions-réponses.


 Rafael Pic
01.07.2004