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Balthus
© Editions Flammarion

Les adieux de Balthus

Le catalogue publié à l'occasion de la rétrospective de Venise synthétise les différents aspects de la carrière du peintre récemment décédé.

Alors que les maisons d’édition multiplient les publications consacrées à Balthus, que sa correspondance amoureuse de jeunesse ou que ses ultimes pensées permettent de pénétrer sans pudeur dans l’univers intime d’un peintre secret, le catalogue de la rétrospective du Palazzo Grassi, à Venise, permet de séparer le bon grain de l'ivraie. Premier signe du sérieux de l’ouvrage, il a été rédigé sous la direction de Jean Clair, déjà auteur du catalogue raisonné de l’artiste, et réunit une dizaine d’essais, signés par des spécialistes de Balthus - Sabine Rewald ou Xing Xiaozhou - et par des personnes l’ayant côtoyé - Raymond Mason, Giorgio Soavi ou Sandro Manzo.

Ces textes complémentaires composent une vision globale de l’homme et de son œuvre et font émerger toute la complexité de Balthus Klossowski de Rola. Se profilent ainsi une enfance instable dans un milieu cosmopolite, à mi-chemin entre petite noblesse et marginalité bohème, et des relations influentes avec de grandes figures du monde littéraire et artistique : Rilke, qui veilla sur ses premiers pas d’artiste en faisant publier ses dessins Mitsou, Bonnard ou Pierre-Jean Jouve. Apparaissent aussi des pans méconnus de sa carrière, un travail de décorateur et de scénographe pour des pièces de théâtre ou des opéras et une œuvre audacieuse de restaurateur à la Villa Médicis pendant les seize années que dura sa direction de l’académie de France à Rome.

Le catalogue par lui-même est également riche d’enseignements. Pour les quelque 200 œuvres exposées, les notices font le point sur les différentes analyses qui ont pu être proposées : étude du contexte historique de leur création, interprétation symbolique de leur iconographie mystérieuse, décomposition de leurs savantes structures… Peu à peu, la très riche iconographie constitue un réseau entre des peintures telles qu’elles nous sont parvenues, des dessins préparatoires, des états antérieurs retouchés tardivement ou des œuvres de maîtres anciens qui ont inspiré l’artiste… On surprend Balthus réexplorant ses propres illustrations des Hauts de Hurlevent pour peindre la Toilette de Cathy ou les Enfants Blanchard. Pour ses vues des montagnes de Monte Calvello, on l'imagine s'inspirant des paysages «montagne-eau» de lettrés chinois et des très toscans Effets du Bon Gouvernement, par les frères Lorenzetti. Ou comment lancer un pont entre Orient et Occident…


 Zoé Blumenfeld
08.11.2001