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Expositions

Le Greco, Portrait de Frère Hortensio Félix Paravicino, vers 1609, Museum of Fine Arts, Boston

 
 


Le Greco, Sainte famille avec Sainte Anne, vers 1587-1596, Hospital Tavera, Fundación Casa Ducal de Medinaceli, Tolède


El Greco, Epiméthée et Pandore, vers 1600-10, Museo del Prado, Madrid


Le Greco, célèbre et si mystérieux...

Coup de projecteur, à Vienne, sur un grand nom de la peinture du 16e siècle...

Est-ce parce qu’il n’a pas connu la gloire à la cour de Philippe II que Le Greco resta longtemps méconnu ? Le roi avait refusé d’exposer son Martyre de Saint Maurice au-dessus de l’autel de la basilique de l’Escurial. Il n’aimait pas cette peinture intellectuelle et compliquée qui n’incitait pas à la dévotion. Quelles que soient les raisons de ce long oubli, l’artiste est redécouvert dans les années 1900, suscitant des débats passionnés qui débordent largement le milieu des historiens d’art. En 1916, « Greco ou le Secret de Tolède » publié quatre ans auparavant par Maurice Barrès en est déjà à sa vingtième édition... Mais ce triomphe repose sur une profonde méconnaissance. Considérées comme celles d’un esprit malade ou d’un précurseur génial de l’expressionnisme, ses créations tardives éclipsent le reste de sa carrière. Il faut dire qu'on a du mal à croire les oeuvres des périodes crétoise, italienne et espagnole faites d’une même main.

Lorsqu’il décide en 1567 de quitter la Crète pour parfaire sa formation en Italie, Domenikos Theotokopoulos - El Greco « le Grec » - a 26 ans. Établi à Héraklion, il est déjà célèbre pour ses icônes peintes dans la plus pure tradition byzantine. Pendant les dix années passées à Venise et à Rome, il assimile la « manière » occidentale, son illusionnisme et son modelé des chairs. Il y réussit avec un succès indiscutable si l'on songe aux nombreux artistes qui à la même époque tentent l’aventure et retournent en Crète... Installé en Espagne de 1577 à sa mort, en 1614, Le Greco doit renoncer aux commandes royales et travailler pour des commanditaires privés ou monastiques. S’émancipant de ses apprentissages, il élabore le style qui fait aujourd’hui sa célébrité, marqué par ses profondes convictions esthétiques annotées dans les marges des « Vies » de Vasari. L’art ne peut évoluer dans le culte de l’Antiquité, il doit se faire le défenseur de la modernité...

Si des années de recherches et de dépouillement d’archives ont mis en lumière des pans nouveaux de la carrière du Greco, des mystères entourent encore son œuvre. Il reste difficile de comprendre comment des peintures de qualités si diverses peuvent être le fait d’un même artiste, et des attributions doivent être confirmées, comme celle des deux icônes conservées au musée Benaki d’Athènes...En présentant une quarantaine de peintures - peintures religieuses, portraits et vues de Tolède -, des sculptures et des dessins, le Kunsthistorisches Museum à Vienne n’a pas l’ambition de répondre à l'ensemble de ces questions. Mais en réunissant les œuvres de grandes collections internationales, le Prado à Madrid, la National Gallery à Londres ou le Metropolitan Museum de New York, il nous permet indéniablement de redécouvrir les grands moments de sa carrière.




 Zoé Blumenfeld
17.08.2001