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Expositions

"Post Modern, 2000"
© Galerie Michel Rein, Paris


Ryuta Amae ou l’image fiction

Assemblages hétéroclites, les images numériques de l’artiste japonais brouillent les pistes. Création de lieux presque communs…

L’atelier du Centre National de la Photographie, lieu destiné à l’exposition de jeunes créateurs, photographes ou artistes utilisant le médium, accueille ce mois un artiste japonais, vivant et travaillant en France, Ryuta Amae. Les six œuvres proposées sont de grands tirages couleurs ; leur format monumental, et la manière, qu’un premier coup d’œil nous ferait qualifier d’«objective», pourrait évoquer cette tendance contemporaine de la photographie initiée par l’école allemande et illustrée par Andreas Gursky, Thomas Struth ou encore Thomas Ruff. Mais la comparaison s’arrête là car l’enjeu de l’œuvre d’Amae est tout autre. Il ne s’agit pas pour lui d’enregistrer le réel mais de parvenir à en donner l’illusion. Réalisées entre 1998 et 2001, les images présentées ici sont issues de l’agencement d’éléments, de provenances diverses. Photographie, maquette et images importées du net, sont associées au sein d’une même composition, que l’artiste détermine au préalable par un dessin. L’assemblage des divers éléments n’est nullement grossier, le photomontage est quasi-imperceptible. Tous se fondent au sein d’une même réalisation, les techniques se confondent, concourant à la création d’une image finale cohérente, plausible, et, de réel à virtuel, la distinction s’opère difficilement.

Post Modern est particulièrement révélatrice de cette ambiguité de l’image. L’architecture vernaculaire, « néo-coloniale », se prête aisément à ce jeu, de par son caractère irréaliste, son apparente bi-dimension. Lui sont accolés une voiture, une aire de jeux pour enfants et au premier plan, des rochers, rappelant les jardins zen. L’hétérogénéité de cette composition n’est pourtant pas surprenante. Le lieu ne nous apparaît pas immédiatement fictif. Avec Fiction, Amae présente un panorama urbain, vue aérienne d’une mégapole avec en son centre, un édifice en construction, dont seuls apparaissent les treillis des échafaudages. Là encore, l’image est fabriquée et cependant tout-à-fait vraisemblable. Seule une lecture plus attentive permet de déceler le gigantisme de cette construction, véritable Tour de Babel. L’œuvre prend toute sa force lorsque le spectateur prend conscience de son caractère factice. Il apparaît alors que c’est ici l’imaginaire collectif qui est mis en scène, un monde recomposé, non tel qu’il est ou devrait être mais tel qu’on le pressent.


 Raphaëlle Stopin
26.10.2001