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Expositions

Gourde de pélerin, Alep, vers 1250
Paris, musée du Louvre
© Photo R.M.N.


Les mille et une merveilles de Saladin

L’Institut du Monde Arabe remonte le temps et nous invite à découvrir l'extraordinaire floraison artistique sous le sultan ayyoubide au 13e siècle.

Face à la magnificence des œuvres exposées, l’Institut du Monde Arabe a joué la carte de la sobriété : murs blancs, vitrines transparentes et comme unique fond sonore le commentaire des deux vidéos installées en début et fin du parcours. Les 250 objets provenant du règne de Salah a din al Ayyoubi témoignent de la richesse d’inspiration et d’innovation de cette dynastie entre 1171 et 1250. Le thème de la citadelle, celles du Caire, d’Alep ou de Damas, apparaît dès la première salle présentant le traité d’armurerie de Murdâ ibn Alî ou encore une cotte de mailles du 13e siècle. Le trésor de la basilique Sainte Croix découvert en 1982 dans la ville de Rusâfa, actuelle Sergiopolis, s’offre à la vue du visiteur et rapporte par là-même le travail d’orfèvres francs en Terre Sainte : coupe, patène et encensoir donnent une idée de la minutie et des capacités créatrices dans cette époque marquée par le sceau de Saladin.

Sur les murs, des citations tirées de divers livres glorifient la vie admirable et la politique conquérante du sultan. De nombreux ouvrages apportent des traces écrites de l’activité littéraire, comme cet exemplaire unique du Livre des campements et des demeures de Usâma ibn Munqîdh vers 1172 qui répertorie plus de 1000 extraits de poèmes rédigés par 200 poètes. Face à la grande verrière donnant sur la Seine, les cimaises présentent de beaux exemples de céramique « lakabi », coupe au paon ou autres motifs animaliers, mais aussi des fragments de tissus brodés parmi les plus somptueux vêtements créés sous les Ayyoubides, des panneaux de bois sculptés et des carreaux de céramique. Au centre de la salle, le visiteur peut déambuler entre les vitrines contenant des chefs-d’œuvre du travail sur métal incrusté : Aiguière « blacas », Aiguière Monmberg, troisième œuvre connue de l’artiste al-Dhakî, boîtes, brûle-parfum ou pyxides. Il n’est pas rare de trouver les signes du zodiaque mêlés à une imagerie locale.

Le verre émaillé et doré trouve au 12e siècle sa parfaite maîtrise. Avant d’atteindre la finesse et la précision du gobelet aux cavaliers, il est important de noter les débuts de cette technique dans le plus ancien des gobelets datant de 1180-1209, conservé à Washington. Des motifs de dauphins dorés ornaient le verre aujourd’hui dépoli. Un peu plus loin, les aspersoirs aux décors de filets incrustés annoncent l’apparition du verre mamlouk à la mort de Saladin. L’émotion est encore suscitée au regard du fragment d’encadrement de la madrasa Kâmimîya au Caire et aux deux panneaux en bois sculpté issu du mausolée de l’initiateur du chafiisme, l’ilâm Shafi’î. Dans les dernières vitrines de l’exposition, une petite figurine en pâte silicieuse représentant une femme allaitant son enfant, pourrait bien justifier la présence de Saladin dans la Divine Comédie de Dante aux côtés des justes non-chrétiens.


 Stéphanie Magalhaes
25.10.2001