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Expositions

D'après La reine des Carolines et sauvages de la Nouvelle-Hollande de Jacques Arago, 1822
© Musée des Beaux Arts de Chartres


Des cannibales très fréquentables

Parallèlement à l’exposition parisienne, le musée des Beaux Arts de Chartres présente la genèse d'une iconogaphie des mers du Sud qui a stimulé l'imaginaire des occidentaux durant des siècles.

Le regard occidental sur les peuples d’Océanie a évolué depuis la découverte des mers du Sud au 18e siècle par des navigateurs comme Anson (1739-1744), Bougainville (1766-1769), Wallis (1766-1768), Cook, etc. Au cours de ces expéditions, les éléments considérés comme exotiques sont relevés par des dessinateurs : Duché de Vancy lors du voyage de La Pérouse, Piron au service d’Entrecasteau et Petit, en 1800 pour Baudin. Ces témoignages illustrent autant la méprise que la curiosité des occidentaux face à des cultures fascinantes et mystérieuses. L’expédition la plus documentée est sans aucun doute celle de Dumont d’Urville de 1826-1829, Voyage au Pôle Sud. C’est à cette occasion que Goupil et Marescot ont réalisé des dessins originaux tandis que Le Breton préparait son atlas pittoresque.

Le 19e siècle s’est illustré dans la littérature de voyage et les manifestations d’un tel engouement sont perceptibles dans les multiples journaux qui ont alors vu le jour. Le Tour du Monde a su capter l’attention de ses lecteurs en quête d’informations sérieuses, illustrées et régulières. Ce périodique a publié des images de l’Océanie durant plus de 60 ans et a ainsi participé à la diffusion de l’imagerie et des mythes encore présents aujourd’hui dans les esprits. Parmi ces stéréotypes, le thème du cannibalisme trouve bien évidemment sa place. Nommé Marquisien, Maori, Kanaque, Aborigène ou Papou, le cannibale demeure différent par sa parure trop éloignée du costume occidental pour qu''il puisse être qualifié de civilisé. Des photographies de Hugan, King, Parkinson, Jean-Louis Motte ou Yann Charbonnier complètent estampes et illustrations de presse.

La seconde grande figure représentative de ces populations des mers du Sud est la vahiné. Découverte par Wallis en 1767, Tahiti voit naître sur ses rivages l’image d’un idéal féminin qui séduira des artistes occidentaux comme Gauguin, le peintre des tahitiennes. L’évolution de sa représentation du 18e au 20e siècle peut être perçue dans les dessins de Marescot, de Radiguet ou de Fauques de Jonquières, les photographies de Miot et Gauthier ou encore les estampes tirées du voyage de Cook. Loin d’être désuète, cette exposition attire l’attention sur des cultures qui jugées sauvages à une certaine époque participent aujourd’hui à la construction de notre identité.


 Stéphanie Magalhaes
26.10.2001