Home > Le Quotidien des Arts > Lumière sur les hyperluministes

Expositions

Serge Salat et Françoise Labbé
Cube virtuel, Singapour, 1994
© Didier Boy de la Tour

Lumière sur les hyperluministes

Après avoir exposé Julio Le Parc, James Turrell, Etienne-Jules Marey, la fondation Electricité de France poursuit son exploration des formes d'art utilisant la lumière comme matériau.

Cinq artistes, Serge Salat et Françoise Labbé, Jean-Pierre Poiret-Ville et Patrick Blanc ainsi que Bernard Caillaud, ont en charge de nous faire découvrir l'hyperluminisme. L'exposition s'ouvre, dans une pénombre quasi-totale, sur l'installation de Salat et Labbé. De dimensions monumentales, elle prend place au centre de l'espace d'exposition, se déployant jusqu'au premier étage. L'œuvre se compose de cubes emboîtés, de structures tubulaires, de points lumineux à intensité variable, que vient démultiplier un système de miroirs. Cette extension multidirectionnelle de l'espace transforme cet assemblage d'éléments géométriques en une Babel futuriste. Un peu plus loin, Jean-Philippe Poirée-Ville et Patrick Blanc présentent une installation de dimensions plus modestes, Photo-synthèses qui suggère, quant à elle, la matérialité du virtuel par la vision en trois dimensions. Le visiteur, doté de lunettes spéciales, pénètre dans une petite pièce dont le sol a été recouvert de cailloux et découvre des formes végétales évoluant sur un fond organique indistinct. Par effet d'optique, le réel et le virtuel se confondent. Viennent ensuite les œuvres de Bernard Caillaud, qui se définit lui-même comme «computer-artiste». Il ne s'agit pas ici d'installations mais de réalisations qui prennent alternativement la forme de tableaux, de photographies sous caissons lumineux ou de projections. L'artiste décline dans ces «peintures», une succession de points noirs et blancs, de bandes colorées, suivant des variations déterminées par l'ordinateur, paramètres étrangers à la volonté de l'artiste. Dans les «aléatoires numériques», l'artiste introduit le mouvement dans ces œuvres, et l'on songe alors aux réalisations colorées de l'art cinétique de Vasarely.

L'on pourrait ainsi résumer cette tendance contemporaine : un art qui s'élabore suivant des paramètres scientifiques, des compositions déterminées par des algorithmes, des installations qui explorent, par le biais d'ordonnancements géométriques et de dispositifs réfléchissants, une quatrième dimension. Les voies empruntées sont diverses. S'il s'agit pour certains de donner corps, autant que cela est possible, à l'infini de l'espace (Salat et Labbé), d'autres utilisent la science pour interroger les expressions plastiques traditionnelles (Bernard Caillaud et son travail sur la classification des couleurs). Mais si l'on peut reconnaître l'infinie variété des perspectives ouvertes par cette association science-art, l'on peut regretter une certaine faiblesse des formes plastiques qui en résultent ici. Cette exposition ne serait-elle pas avant tout révélatrice de la grande difficulté de cette tendance artistique à se renouveler?




 Raphaëlle Stopin
08.11.2001