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Expositions

Edward Ruscha
Phillips 66, Flagstaff Arizona
extrait du livre Twenty-Six Gasoline Stations, 1962
Courtesy Anthony d'Offay Gallery, Londres.


Ruscha, au confluent des genres

Entre pop art et art conceptuel, découverte d'une œuvre polymorphe.

Réunissant des œuvres issues tant des collections publiques que privées, l'exposition du MOMA d'Oxford présente l'artiste américain sous ses différentes facettes,des réalisations des années 60 à ses travaux les plus récents, de son œuvre picturale aux dessins et livres. Les premières œuvres «pop» empruntent à l'iconographie populaire, au monde de la publicité. Ruscha exploite alors la valeur graphique de la typographie la plus standard, il peint des mots courts comme Eat, Boss, Smash sur des fonds unicolores ou bicolores. L'artiste apprécie leur picturalité, «ces mots, dit-il, étaient comme des fleurs dans un vase, je les peignais comme d'autres peignaient des fleurs». Ils sont d'abord peints à grands coups de pinceaux, puis la facture se fait peu à peu plus «anonyme», abandonnant ce reliquat d'expressionnisme abstrait. L'intrusion du langage écrit dans le tableau rappelle un autre pop artiste, Roy Lichtenstein, même si, chez lui, cela renvoie à l'univers de la bande dessinée.

En 1963, Ruscha investit le médium photographique et réalise une série de photographies qu'il rassemble dans un livre, dont un exemplaire est présenté ici, Twenty-Six Gasoline Stations. Alors que l'art conceptuel n'est pas encore né, Ruscha, avec d'autres dont Dan Graham ou Douglas Huebler, fait un usage de la photographie qui se veut dépersonnalisé, revendiqué comme «objectif». L'appareil devient machine à enregistrer, intermédiaire mécanique garantissant un regard débarrassé de toute esthétisme. Ruscha dépeint dans ce livre le paysage américain, au travers de clichés de pompes à essence pris le long des routes, inventaire qu'il poursuit dans Some Los Angeles, 1965 et dans Every Buildings on Sunset Strip, 1966. Là encore, c'est la culture pop qui est prise pour thème, l'artiste fait l'apologie du banal. Ces dernières œuvres, ces «peintures de montagnes», aux couleurs chatoyantes poursuivent cette exploration du paysage contemporain américain.


 Raphaëlle Stopin
05.11.2001