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Musées

Ateliers de la Marche, Ruth glanant dans les champs de Booz, 17e siècle
Collection du musée départemental de la tapisserie, Aubusson
© R. Godrant


Michèle Giffault, conservatrice du musée de la tapisserie d’Aubusson.

Ruth glanant dans les champs de Booz, une œuvre du 17e siècle, aborde un sujet jamais observé en tapisserie.

Cette tapisserie est une acquisition réalisée en 2001. Elle appartient à une tenture jusqu’ici ignorée, non mentionnée dans les archives connues : Le livre de Ruth. Parmi les héroïnes de la Bible, Esther, Judith sont bien connues et souvent représentées ; voici maintenant Ruth. La scène décrite dans cette tapisserie reprend littéralement le texte biblique qui montre Booz attentif au bien-être de Ruth, lui faisant préparer des mets et des boissons ; et l’on voit, en effet, à ses pieds une grande jarre et des corbeilles garnies. La nuit venue, Ruth s’allongera près de Booz et celui-ci la recouvrira de son manteau, signifiant ainsi qu’il la prend pour épouse. De l’union de Ruth et de Booz naît Obed, aïeul de David et donc du Christ. On a voulu voir dans cette alliance le symbole de l’union du Christ et de son église. Retenons-en, surtout, l’alliance d’Israël (figurée par le palmier placé derrière Booz, annonçant l’arbre de Jessé) avec les peuples voisins.

Cette œuvre me touche particulièrement pour des raisons de circonstance. Tout d’abord, c’est notre plus récente acquisition, elle me fait donc particulièrement plaisir. Cette œuvre est très représentative de cet art, et de ses débuts en Creuse, au 17e siècle. Par ailleurs, c’est un thème encore jamais vu dans la tapisserie. Nous sommes certains qu’elle faisait partie d’une série, comme c’était toujours le cas quand ce genre de sujet était traité. Les Aubussonnais travaillaient généralement d’après des gravures, ils avaient rarement des cartons à disposition. Il nous reste des recherches à faire. D’après son style, je pense que le dessin original pourrait être de l’est de la France.

Chaque semaine nous recevons environ cinq à six demandes d’identification de tapisseries. Un propriétaire de l’Aveyron m’a adressé deux photographies, dont une était celle de Ruth glanant dans les champs de Booz, qui m’a immédiatement intéressée. Je lui ai fait une offre pour un prix raisonnable et c’est ainsi que nous l’avons acquise. Elle n’a pratiquement jamais été restaurée et se trouve dans un excellent état. J’aime que ces objets soient intègres. Pour identifier une tapisserie, on procède par recoupement et comparaison. Il y a bien sûr des questions de technique : en Creuse on travaillait sur des métiers de basse lisse, on utilisait telles sortes de fils, etc. Et puis il y aussi le style. Enfin on a parfois des mentions de ventes dans les archives. C’est grâce à tout cet ensemble d’éléments, que l’on reconnaît qu'il s'agit ici d'une tapisserie marchoise, d’Aubusson ou de Felletin.


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
05.11.2001