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Expositions

Conques, vue d'ensemble © droits réservés


La sainte Foy en majesté © André Kumurdjian / Sud Images


La sainte Foy en majesté (détail) © Françis Bacon


Sainte Foy et les ors de Conques

Le département des objets d’art du Louvre expose le plus beau trésor ecclésiastique de France.

Hiératique : c’est l’adjectif qui la décrit le mieux. Sainte Foy, assise sur son trône, se tient le dos droit. Elle est bien «en majesté» ! Ses yeux en lapis-lazuli ont une fixité dérangeante. Au bout de ses bras trop courts, rigidement coincés en station horizontale, elle agrippe des porte-cierges. C’est la pièce essentielle de cette exposition intimiste, encadrée par les stalles sculptées de Saint-Claude et un miracle de Saint Quentin, belle tapisserie du 15e siècle. La foi d’antan ne s’embarrassait pas de dénomination d’origine, ne voyait aucun mal à l’anachronisme : la statue a été composée autour de l’an 1000 de pièces hétéroclites, de diverses époques, de diverses provenances. Et l’assemblage en est un chef-d’œuvre… Sur une âme d’if a été greffée une tête d’époque impériale, coiffée plus tard d’une couronne trop grande. Le corps est de facture carolingienne. Et les multiples pierres dures, ou précieuses, qui lui dessinent comme un tapis mille-fleurs, mêlent améthyste, agathe, camées romains, intailles, cristal de roche.

La statue-reliquaire célèbre sainte Foy, une jeune vierge agenaise du 4e siècle, qui sut tenir tête au proconsul des Gaules, Dacien. Quelques siècles après sa mort, ses reliques furent volées à l’abbaye de Figeac par les moines de Conques. Elles sont demeurées à Conques depuis lors, bravant toutes les tourmentes de l’histoire et attirant les pèlerins, confiants en ses pouvoirs (guérison des yeux, aide aux femmes en couches – pour celles qui ne pouvaient pas toucher la fameuse ceinture de sainte Foy, on pouvait envoyer par correspondance des rubans présentant les mêmes qualités…). La statue est la plus belle pièce du trésor ecclésiastique de Conques. Elle voisine avec des autels portatifs et bien d’autres reliquaires : celui de Pépin, le bras-reliquaire de saint Georges, le A de Charlemagne - l’une des lettres d’orfèvrerie que le souverain aurait destinées aux grandes abbayes de France, Conques étant évidemment la première sur la liste…

On connaît le destin de nombreux trésors d’églises comme celui de Saint-Denis. Par iconoclasme volontaire, la Révolution en a fondu une bonne partie mais les sans-culottes ne sont pas les seuls responsables. Les conflits religieux du 16e siècle avaient déjà été destructeurs. Et les derniers Valois, pour leur part, n’ont pas hésité à disperser des pièces magnifiques pour financer leurs guerres européennes. Outre celui de Conques, le plus beau de tous, il nous reste une partie des trésors de Troyes, de Sens, de Saint-Denis (avec le fameux aigle de Suger) ou encore de Notre-Dame. En jetant un coup d’œil aux galeries voisnes, qui exposent la céramique espagnole du 15e siècle, on se convaincra que le vandalisme est parfois teinté des meillieures intentions. Les superbes bassins en faïence lustrée de Manises ont tous été percés, dans le passé, de deux trous grossiers pour permettre leur accrochage…


 Rafael Pic
02.11.2001