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© Frank Horvat, Le curieux,
Ancienne abbatiale Sainte-Foy

Derrière la sculpture romane…

Promenade photographique dans l’univers imagé des 11e et 12e siècles à travers l’objectif de Frank Horvat et l'analyse iconographique de Michel Pastoureau.

On ne sera pas surpris de voir Michel Pastoureau - que l'on connaissait comme spécialiste de l'héraldique et de la symbolique des couleurs - nous introduire aux mystères de l'iconographie médiévale. En revanche, l'intervention de Frank Horvat, qui nous est familier pour ses images de mode ou ses recherches numériques, est plus inattendu. Mais il est vrai que le photographe avait déjà travaillé sur l'œuvre sculpté de Degas. Images et textes s’associent étroitement dans cette synthèse. En suivant les thèmes caractéristiques de l’art roman comme - la Bible et les saints, le Diable ou le bestiaire - le lecteur est peu à peu imprégné du vocabulaire artistique utilisé dès la fin du 10e siècle dans les églises françaises. Complétées par de brèves notices, les sobres et fortes photographies de chapiteaux et de tympans se succèdent en peine page. Les deux apôtres du linteau de l’ancienne abbatiale de Saint-Génis-des-Fontaines ouvrent une voie nouvelle à la représentation humaine. Quelques pages plus loin, l’Adoration des Mages de l’église Sainte-Madeleine de Neuilly-en-Donjon aborde l’un des thèmes récurrents de l’art roman. La vue en contre-plongée du chœur de Chauvigny nous fait découvrir les différentes scènes des chapiteaux ainsi que les célèbres inscriptions.

Les textes simples et descriptifs de Michel Pastoureau plongent le lecteur dans le contexte historique et artistique de l'époque. Le rôle des grands portails historiés, le retour des décors funéraires qui répond aux nombreux ensevelissements dans les bâtiments religieux, l’étymologie du mot «tailleur» : autant de thèmes évoqués et expliqués de manière claire et concise. Un chapitre sur le travail de l’historien analyse l’approche actuelle d’une œuvre d’art, sa recontextualisation, le sens initial du décor, sa fonction théologique, liturgique, culturelle ou symbolique. Le répertoire et la carte, à la fin de l’ouvrage, situent les différents édifices dans l’espace et dans le temps : la cathédrale Saint-Étienne de Cahors, la cathédrale d’Autun, la Sauve-Majeure en Gironde ou encore Saint-Michel-de-Cuxa dans les Pyrénées-Orientales.

Le symbole occupe ici la place d’honneur et les images en gros plan ne font qu’accentuer l’aspect mystérieux et séduisant de ces figures de pierre. On y apprend que les personnages contorsionnés dans des cadres architecturaux représentent le vice, qu’il faut chercher la source de l’âne musicien dans la fable de Phèdre ou encore que les animaux à trois têtes évoquent soit la prudence soit les monstruosités de l’Enfer. Outre ces éléments décryptés, bien des scènes conservent leur caractère énigmatique comme cet homme dansant avec un lion sur le chapiteau de la nef de l’ancienne église d’Anzy-le-Duc ou encore ces êtres hybrides qui ornent les bases de colonnes de l’abbatiale de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire. Voyage au centre d’un monde grimaçant et poétique peuplé de démons ailés et de saints apôtres…


 Stéphanie Magalhaes
08.12.2001