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Expositions

Baby Boy, 45 cm, Epoque Yuan-Ming
(14e siècle) © Au Vieux Chinois

Des garçons à tout prix !

Dans le cadre de la saison asiatique, la galerie Au vieux Chinois remet sur le marché deux pièces rarissimes. Elle lève ainsi le voile sur des pratiques dévotionnelles tombées dans l’oubli.

Au coin de la rue d’Anjou et du boulevard Saint-Honoré, l’espace infiniment petit de la galerie Au vieux Chinois recèle un trésor infiniment rare : les deux « baby Boys » de l’époque Yuan-Ming (14e siècle). Ces pièces en stuc polychromé, exposées sur un fond rouge lumineux attirent immédiatement l’attention. Du haut de leurs 45 cm, les deux sculptures présentent la parure traditionnelle des enfants chinois : tablier coloré, deux petites tresses tombant sur les épaules, crâne rasé ici symbolisé par une surface bleue et enfin le bracelet de jade de couleur verte. Le thème de l’enfant revient de manière récurrente dans l’art chinois comme en témoigne le motif des « Hundred boys » qui orne potiches, céramiques, peintures ou laques. Mais ici, le sujet et le contexte de création sont différents. Il n’était pas rare de voir des statuettes d’enfants habillés dans les temples, celles-ci répondant à des pratiques dévotionnelles vouées à favoriser la naissance d’un enfant mâle. La domination mongole et le développement du confucianisme entraînaient ainsi un certain puritanisme qui voyait d’un mauvais œil toutes représentations sexuelles dans les lieux de culte. Ces deux enfants à moitié nus étaient donc probablement dédiés à un culte domestique, au dieu bouddhiste Guan-Yin ou à la Princesse des nuages bigarrés de la religion taoïste.

L’enfant mâle était considéré chez les Chinois comme un cadeau du Ciel et sa conception résultait de diverses pratiques comme la géomancie, l’étude du calendrier, la médecine, la cartologie et les prosternations devant des autels généralement cachés dans des alcôves. L’homme devait retenir sa semence tant que toutes les conditions n’étaient pas réunies. Les deux ex-voto peuvent donc être considérés comme une projection idéalisée de l’enfant désiré : mâle, bien portant et rieur... ou encore comme un clin d’œil aux méthodes visant à économiser le liquide séminal synonyme d’énergie vitale. Caractéristiques de la province du Shaanxi et certainement objets d’une commande destinée à la classe élevée de la population, ces pièces semblent issues d’une même main. Comment s’organisaient les cérémonies ? Ce point demeure mystérieux. Intrigante, rare et révélatrice des traditions religieuses, cette paire de statuettes votives est indubitablement authentique comme en témoigne sa première acquisition par le haut commerce parisien. Dix ans après, Marc Higonnet remet en vente ces pièces au prix de 120 000FF l’unité.


 Stéphanie Magalhaes
08.11.2001