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Théières entre Chine et Occident

La Galerie Antoine Lebel poursuit son effort de réhabilitation des porcelaines dites de « la Compagnie des Indes ».


Grande théière, 1725, 78 000 FF
Depuis dix ans, la galerie Antoine Lebel s’efforce d’illustrer la richesse de l'art de la «Compagnie des Indes» parfois jugé décadent par rapport à des œuvres antérieures, vierges de toute influence occidentale. À ce titre, le choix des théières est particulièrement intéressant. Cette vaisselle naît en effet au début du 17e siècle de la rencontre entre une forme chinoise, celle du « pot à vin » - une verseuse utilisée pour d’épaisses liqueurs - et une pratique européenne, l’infusion dans un récipient fermé des feuilles de thé séchées, denrée de luxe s’il en est. Dès lors, les porcelaines Shing n’ont cessé d’évoluer au gré des commandes occidentales de services à thé, ne signant pas une décadence mais un renouvellement de l’art chinois.


Théière au décor inspiré
d'une gravure de Blomaert
,
38 000 FF
Les formes purement chinoises ont cédé la place à de nouvelles lignes, inspirées par l’argenterie et la dinanderie contemporaines ou répondant au goût exotique des Occidentaux par une accumulation de caractères « chinoisant ». Une imposante théière de 1725 (78 000 FF) réunit par exemple un corps polylobé, une anse et un bec verseur zoomorphe et une figure de chiens de Fo en relief. Parallèlement, les décors chinois sont remplacés par des armoiries, des motifs mythologiques ou des scènes de genre copiés d’après des gravures. Ainsi, une théière reprend une scène de caverne inspirée d’un tableau de Blomaert (38 000 FF).

Les pièces proposées par Antoine Lebel offrent deux beaux symboles de ces échanges culturels. Le premier est fourni par deux théières des années 1745-1750 de fabrication mi-chinoise mi-hollandaise. Acheminées en Europe avec un simple décor en blanc et bleu sous couverte, elles ont été terminées dans des ateliers spécialisés avec l’adjonction de sur-décors en rouge et or. Le second est apporté par une petite pièce en émail de Canton (16 000 FF). Cette technique d’orfèvrerie sur cuivre ou laiton fut introduite en Chine par des Jésuites. Elle devait séduire l’empereur Kangxi qui décida d’implanter des ateliers à Pékin et Canton, donnant naissance à une production de pièces fragiles qui devait prendre fin avec son règne.


 Zoé Blumenfeld
17.11.2001