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Marché

Du tabloïd aux cimaises

Léon Herschtritt, expert de la vente de Maître Thierry de Maigret, raconte l’aventure de la première vente consacrée au photo-journalisme.


James Nachtwey,
World Trade Center,
11 septembre 2001
Comment est née l’idée de cette vente ?
Léon Herschtritt, expert
. L’initiative revient à un commissaire-priseur, Thierry de Maigret, et à un collectionneur, Jean di Sciullo. Ils ont eu l’idée de faire appel à mon fils, Laurent, et à moi-même. C’est un pari financier. D’abord parce qu’il n’y a pas aujourd’hui de marché pour le photo-journalisme. À côté des grands photographes de l’agence Magnum, on oublie qu’il existe de très belles choses méconnues, des images qui sont les icônes d’aujourd’hui ou de demain. Mais aussi parce qu’ils ont décidé de constituer de faire bien les choses en constituant un catalogue à la hauteur et en présentant les photographies bien encadrées et non pas, comme trop souvent, avec un simple clou au mur...


Ron Haviv, Soldats de la paix
américains
, Bosnie, hiver 1995
Estimation : 6 000 / 8 000 FF
Comment avez-vous réuni ces 200 photographies ?
Léon Herschtritt
. Nous avons commencé à constituer le catalogue dès juin / juillet. Nous sommes allés directement auprès des photographes. Cela a pris du temps car bien des choses se sont passées depuis. D’ailleurs la plupart d’entre eux sont en ce moment en Afghanistan. Au début, certains ne croyaient pas à notre proposition. Ils ont fait preuve d’une modestie extraordinaire, ils se demandaient qui pouvait souhaiter acquérir ces clichés. En fait, ils nous ont montré le fruit de 20 ou 30 années de carrière, des photographies qui, une fois diffusées, restent dans leurs fonds car ils n’ont ni le temps ni les infrastructures nécessaires pour les distribuer. Nous avons fait une sélection très rigoureuse. Nous avons retenu des clichés récompensés par des prix, des photographies qui ont une esthétique ou une poésie extraordinaire comme ce chat s’enfuyant devant l’arrivée d’un tank de l’armée libanaise en 1984 par Patrick Chauvel ou ces trois Soldats de la paix américains photographiés par Ron Haviv en Bosnie pendant l’hiver 1995.


Stéphane Calais,
Diana et la mouette, 1997
Estimation : 8 000 / 10 000 FF
Décrivez-nous ces photographies.
Léon Herschtritt
. Pour cette première, nous avons voulu créer un vrai spectacle. Pour mieux faire partager notre amour du reportage et pour rendre hommage aux journalistes. Nous avons réuni des photographies de toutes les époques : depuis les « mythiques », la Mort d’un républicain espagnol de Capa ou le Portrait du Che de Korda, jusqu’aux images les plus actuelles, un Portrait de Massoud par Reza ou des photographies du World Trade Center prises le 11 septembre par James Nachtwey et vendues au profit des familles de pompiers de New-York... Nous avons aussi mélangé les genres pour ne pas rester dans le drame. On retrouve Diana et la mouette de Stéphane Cardinale à côté de L’entrée de Moshe Dayan et Ariel Sharon à Jérusalem par Gilles Caron lors de la guerre des Six-Jours.

Quels acheteurs attendez-vous pour cette vente ?
Léon Herschtritt
. On a voulu dépasser le petit groupe de collectionneurs français qui achètent régulièrement des photographies. Pour atteindre ce nouveau public, on a demandé aux photographes de ne pas être trop «gourmands». Si cela se passe bien, un marché pourrait se développer et de nouvelles ventes pourraient être organisées.


 Zoé Blumenfeld
15.11.2001