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Musées

Niveau 3 © Françoise Monnin

Palais de Tokyo : le chantier infini

A deux mois de son ouverture, après travaux, le nouveau centre de création contemporaine ressemble à une friche. Et n'entend pas changer d'apparence…

«Un lieu qui illustre l'idée du possible parce qu'il n'est pas fini.» : c'est en ces termes que Catherine Tasca, ministre de la culture, a défini, jeudi 8 novembre dernier, le réaménagement de l'espace intérieur du Palais de Tokyo (bâti en 1937). Destiné à abriter le «Site de création contemporaine» voulu par le ministère de la culture, le lieu a été dépossédé de toute sa décoration intérieure initiale. Les infrastructures mises à nu, et laissées comme telles, donnent une impression de hangar de banlieue, de loft américain d'il y a cinquante ans. Les architectes, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, coutumiers de ce type d'interventions, se sont appliqués à installer un éclairage, un chauffage, et un sol en béton. Point final.


Nef principale
© Françoise Monnin
Le résultat ? D'un grand snobisme, en vérité : «un chantier permanent» ; «ne jamais penser à l'avenir, créer un présent dynamique» ; «nous sommes dans une logique de locataires», disent les architectes. Soit. Mais dans cette mesure, pourquoi ne s'être pas installé dans l'une des innombrables friches industrielles parisiennes, telles que le spectaculaire dépôt des pompes funèbres de la rue d'Aubervilliers ? Dans les anciens entrepôts de Bordeaux et de Bruxelles, dans les usines désaffectées de Nantes et de Londres, dans l'ancienne piscine de Roubaix, de telles opérations ont été menées durant ces vingt dernières années avec le talent que l'on sait. De là à transformer un musée néo-classique en fausse friche... Cela fait songer à l'intervention récente, à Auvers-sur-Oise, d'un grand décorateur italien, chargé de peindre de fausses fissures en trompe-l'oeil dans la vraie-fausse chambre de Vincent Van Gogh !

Inventer de toutes pièces une ambiance misérabiliste, sous prétexte qu'elle stimulera la créativité des jeunes artistes installés là en pension une année durant, cela laisse dubitatif. D'autant que les deux jeunes directeurs du lieu, Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud, ne parlent que des plasticiens qu'ils vont «produire». A croire que voilà né un étrange laboratoire, destiné à faire germer ce qui serait incapable de s'épanouir à la seule force de son instinct, de son imagination et de son âme. Avons-nous vraiment besoin d'un palais de Tokyo ?


 Françoise Monnin
14.11.2001