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Musées

Canne de Balzac Canne aux turquoises,
Maison de Balzac © PMVP, Ph.Joffre

Yves Gagneux, conservateur de la Maison de Balzac

C'est un des rares objets personnels de Balzac conservés dans le musée : la canne dite aux turquoises.

Mesurant 90 cm de haut, cette canne insolite est faite de jonc, d’or, de turquoises et de perles fines. Son pommeau rehaussé d'or accueille en son centre des turquoises formant une fleur autour d’un écusson (celui de la famille Balzac d’Entraigues, dont l’écrivain n’est pas issu contrairement à ce qu’il a fait croire à son entourage). Un couvercle monté en charnière vient s’ajouter à l’ensemble et laisse entrevoir une petite cavité. Depuis le pommeau tombe une petite chaînette de laquelle pendent des perlettes.

Cet objet fait partie des oeuvres les plus fascinantes du musée. Très beau, il fut commandé par Balzac en 1835 au joaillier Lecointe, installé rue Castiglione dans le 8ème arrondissement de Paris. À sa mort, la veuve de Balzac le garda précieusement jusqu’au jour où elle l’offrit au docteur Naquart, en guise de remerciement pour les soins prodigués à son mari jusqu’à sa mort. Par la suite, la canne fut conservée par la famille Naquart, jusqu’à ce qu’elle soit remise au musée Carnavalet avant de rejoindre la Maison de Balzac, comme l’avait souhaité les Naquart.

À l’époque, cette canne suscita de vives réactions. Elle était considérée comme « monstrueuse » en raison de ses dimensions démesurées (son diamètre au sommet est de 4 ou 5 cm et 2 cm à la base). En effet, à l’époque les cannes avaient une allure plutôt fine. Exceptionnelle et massive, elle se caractérise par ses incrustations de rosettes de turquoises et les petites perles lui donnant un aspect féminin. Ces turquoises et ces perles, précieusement gardées par l’écrivain, lui ont été remises comme preuve d’amour par Eva Hanska. Femme mariée issue de la noblesse polonaise, Madame Hanska offrit à Balzac ses bijoux de jeune fille. C’est en 1832, pour la première fois, qu’elle envoie à Balzac une lettre qu’elle signe « l’étrangère ». S’ensuit une correspondance alternée de brèves rencontres qui ont lieu tous les 5 ou 8 ans. En 1841, son mari décèdait et suite à maintes hésitations, c’est à Genève qu’elle cèdera à l’artiste et deviendra sa femme en mars 1850, 6 mois avant qu’il ne s’éteigne en août 1850.


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
03.12.2001