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Musées

Alfred Sisley, La meule de foin
Musée de la Chartreuse, Douai
© Photo : Hugo Maertens


Le tableau de Françoise Baligand, conservateur (Musée de la Chartreuse de Douai)

La meule sur les bords du Loing d'Alfred Sisley ou une manière de nous replonger dans une saison à peine terminée : l'été et les moissons

Après des vacances au soleil, la simple vue de cette toile me remet en mémoire des sensations, des émotions et une impression de chaleur. La toile représente un champ en pleine campagne d’Ile-de-France. Une meule occupe le premier plan tandis que le ciel envahit de son bleu puissant la quasi totalité de l'espace. La technique impressionniste procède par petites touches, des virgules de toutes les couleurs qui donnent à l’oeuvre un éclat bien caractéristique des toiles de cette époque: des touches bleues et jaunes matérialisant tour à tour un ciel des plus purs et des brins de paille des plus éclatants.

Cette peinture entre dans les collections du musée en 1930. A ce moment précis de l’entre-deux guerre, une collection impressionniste se forme à Douai. Nous ne possédons qu’une seule oeuvre de Sisley, ce qui lui donne d’autant plus de valeur à nos yeux. Sa datation, 1890, la rapproche de la célèbre série d’Auguste Monet, Les meules, de 1891. Les deux artistes se seraient-ils promenés dans les mêmes paysages ? Auraient-ils découverts ensemble le reflet de cette atmosphère estivale dans de simples meules de foin ?

Procédant par juxtapositions successives de couleurs pures, Alfred Sisley, et les impressionnistes en règle générale, fragilisèrent leurs oeuvres. En effet, à long terme les touches de peinture se décollent du support. Il est alors indispensable de procéder à une transposition, c’est-à-dire de détacher la couche picturale de son support pour la replacer sur une surface saine. La meule sur les bords du Loing a subi ce procédé traumatisant. Il lui est donc aujourd’hui interdit de sortir du musée. Elle ne paraîtra pas dans les grandes expositions impressionnistes. Celui qui veut l’admirer devra se rendre à la chartreuse de Douai...


  Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui
17.09.2001