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Expositions

Buraglio, archéologue des formes

Le peintre expose chez Marwan Hoss ses derniers travaux, poursuivant son exploration de la tradition picturale.


Pierre Buraglio
Baigneur d'après ...Cézanne-MoMA
2001
Peinture sur porte tronquée
188 x 93 cm
© Galerie Marwan Hoss
L'œuvre de Buraglio est plurielle, alliant figuration et abstraction, mêlant avec aisance les procédés artistiques, de l'assemblage de dessins à la peinture. Cette diversité a toujours accompagnée le peintre qui, jouant de la variété des matériaux (encadrements fragmentés, morceaux de verre, peinture, portes) et des modes d'expression, dresse un panorama des différents états du processus créatif. Avec d'autres, Buraglio amorce vers le milieu des années 70 un retour à la tradition figurative en peinture. Tout comme François Rouan s'inspire des fresques de Lorenzetti à Sienne, ou encore Cane, qui place des arcs brunelleschiens au centre de ses monochromes, Buraglio dessine d'après Raphaël ou Cézanne. Anciens porte-paroles d'une abstraction nouvelle, qui émerge parallèlement à la Nouvelle Figuration dans les années 60, ces peintres tentent d'enraciner leur pratique dans l'histoire de l'art. Les travaux récents exposés ici témoignent de la permanence de ces préoccupations chez Buraglio, qui poursuit l'ancrage de son œuvre dans la tradition picturale. Il reprend, et ce depuis 1987, une figure archétypale de la peinture moderne, celle du baigneur, se référant de manière explicite au modèle cézannien. Comme chez ce dernier, les lignes sont puissantes, le dessin affirmé campe des formes solides.


Pierre Buraglio, Trio, 2000-2001
réemploi, palette, peinture,
cadre tronqué, 50 x 64,5 cm.
© Galerie Marwan Hoss
Mais la peinture se trouve douée chez Buraglio, d'une dimension expressive supplémentaire par l'entremise du support. Le baigneur prend ici place sur une porte tronquée, le matériau est brut et porte encore la trace de son usage (par la présence des trous de serrure et des gonds). La nature de ce support, qui ne cherche pas à se faire oublier, confère à l'œuvre la double qualité de peinture et de sculpture. Ces remplois, fréquents dans l'art de Buraglio, s'inscrivent tout comme les thématiques abordées et la manière adoptée, dans une tradition artistique. Cette prise en compte de la picturalité du support peut être rapprochée des tentatives des cubistes ou des dadaïstes, qui, au début du siècle, introduisaient sur la toile, du papier, du sable, de la corde et autres matériaux. Ces pratiques nouvelles posent les qualités plastiques de ces matières et ouvrent le champ pictural aux éléments issus du quotidien. Les assemblages procèdent de la même démarche, des morceaux de bois sont accolés les uns aux autres, ceints partiellement par un cadre rudimentaire. La peinture de Buraglio semble en fait n'être que fragment... de vie, d'une histoire de l'art.


 Raphaëlle Stopin
10.12.2001