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Patrimoine

Jacques Herzog et Pierre De Meuron

Des valeurs sûres pour l'Equerre d'Argent

En récompensant, le mois dernier, Herzog-de Meuron et Zaha Hadid, le prix d'architecture du Moniteur n'a pas pris de risques inutiles… Analyse critique.


Rémi Marciano
Certes ce n’est pas le très honorifique et international Pritzker Price qui couronne chaque année un Grand architecte pour une œuvre, pour son œuvre. Mais l’Equerre d’argent a son intérêt hexagonal, puisqu’elle permet, et c’est là l’intérêt de cette remise de prix, de remarquer un jeune architecte pour sa première œuvre. Cette année c’est Rémi Marciano, pour la réalisation d’un gymnase et de terrains de sport dans le secteur Euroméditerannée de Marseille qui a été récompensé. Etudiant sorti de l’école d’architecture de Marseille-Luminy au milieu des années 90, il donne le “premier coup de pioche” à cette zone portuaire jusque-là politiquement et architecturalement immobilisée. Le bâtiment est intéressant, en béton moiré et polycarbonate translucide, suivant la tendance actuelle. Reste que son échelle est disproportionnée face à la taille du site, ainsi qu’à l’ambition du projet urbain. Mais il demeure honorable. Il faut dire qu’il était difficile pour les membres du jury de trouver un projet, vu la faible quantité de projets de jeunes architectes. De plus, Marciano, architecte marseillais, peut se féliciter d’avoir coiffé sur le poteau les Parisiens, toujours présents dans les concours au détriment des provinciaux.


Zaha Hadid
Ensuite, le prix de l’Equerre d’argent a été attribué pour des logements, à Paris, rue des Suisses, à des architectes… suisses. Et pas des moindres puisqu’il s’agit de Jacques Herzog et Pierre de Meuron, déjà Pritzker l’an passé. Leur architecture de l’enveloppe subjugue tous les architectes. Mais dès que l’on gratte pour entrer, pour voir comment l’on vit dans leurs logements, le bât blesse ! Que penser de la profession - ou plus précisément du groupuscule qui pense représenter le corpus architectural – lorsqu’il est décerné un prix à des architectes qui éclairent en second jour les pièces de vie, autant dire quasiment pas. Bien entendu, leur travail de façade est intéressant, dans les matériaux, avec des parois de bois cintrées qui coulissent (mais pour combien de temps ?) ou une résille métallique qui créent des effets de moirages. Mais cette même grille en accordéon transforme des façades à visage humain en des cages à poules matinées d’une image carcérale.

Enfin, une mention spéciale a été décernée à l’unanimité du jury au terminus du tramway de Strasbourg, réalisation de Zaha Hadid. Cette architecte, anglaise d’adoption, irakienne d’origine, développe ses espaces tendus qui dynamisent la ville. De ses dessins superbes, l’auteur a su développer une mise en œuvre à la hauteur de nos attentes. Le résultat de ce projet est une vaste halle soutenue par une forêt de poteaux, dont la toiture en béton est découpée par des flux virtuels. Une belle œuvre qui se positionne entre l’art et l’architecture. RM


 Rafaël Magrou
29.11.2001